La troisième édition des Doha Goals se termine, ce mercredi 5 novembre, à l’Aspire Dome de la capitale du Qatar. Elle a rassemblé, comme les deux précédentes, un lot fourni de décideurs et experts sportifs, anciens champions et officiels politiques. Son organisateur, le Marocain Richard Attias, en a expliqué à FrancsJeux les objectifs et perspectives. Avant de livrer une analyse très pointue de la vision du Qatar dans le sport. Interview.
FrancsJeux: Quels objectifs cherchent aujourd’hui à atteindre les Doha Goals?
Richard Attias: Les mêmes objectifs qu’à la création du forum, en 2012. Le premier est de créer une communauté. Les réseaux sociaux ont leur mérite, mais on fait toujours mieux bouger les choses en mettant les gens ensemble. La communauté des Doha Goals compte aujourd’hui plusieurs milliers de personnes. L’édition 2014 a permis d’organiser plus de 350 rencontres officielles, entre les participants, au cours des 36 premières heures. Le deuxième objectif: contribuer à faire émerger de tout cela un maximum d’idées et d’initiatives nouvelles.
Cette année, vous avez cherché à donner au forum un caractère plus institutionnel, marqué par la présence de plus d’une quinzaine de chefs d’Etat et de représentants de gouvernement. Pourquoi?
Le secteur privé ne peut pas tout faire. Le moment est venu, pour les pouvoirs publics, de prendre leurs responsabilités. Les Etats ne peuvent pas éternellement se décharger sur le privé lorsqu’il est question de sport. Beaucoup d’idées ont émergé des différentes éditions des Doha Goals, mais il revient maintenant aux autorités politiques de les concrétiser.
Quel est le budget d’un tel forum?
Environ 3 millions d’euros. Un budget assuré jusqu’à maintenant par la Fondation Doha Goals. Nous avions fait le choix, pour les trois premières années, de fonctionner avec nos propres ressources, sans chercher de partenaires extérieurs. L’an prochain, nous pourrions faire appel à du partenariat.
Le Qatar cherche à s’imposer depuis plusieurs années comme une terre de sport. D’où lui vient cette motivation?
Elle n’est pas artificielle ou seulement stratégique. La famille dirigeante est réellement animée d’une passion pour le sport. Le sport est l’ADN de ce pays.
Les récentes polémiques sur l’attribution du Mondial 2022 ne l’ont pas affecté?
Il faut comprendre qu’il existe, chez les jeunes du Qatar, une farouche volonté d’avoir une petite pièce de l’Histoire. Et cette petite pièce s’appelle la Coupe du Monde de football. Tous ces jeunes Qataris se sentent assez peu concernés par les questions de corruption ou de calendrier du Mondial qui font tant débat dans la presse étrangère. Et puis, on ne peut pas exclure éternellement des parties entières du monde de l’échiquier sportif.
En utilisant le sport comme un outil de promotion à l’échelle planétaire, le Qatar n’a-t-il pas inventé une forme de modèle, suivi aujourd’hui pays comme le Kazakhstan, l’Azerbaïdjan ou le Turkménistan?
Tout à fait. L’exemple du Qatar a inspiré beaucoup de pays, qui pensent aujourd’hui que le sport peut être un vecteur de croissance, de business et de partenariat. Mais les exemples existent aussi en Afrique. L’an prochain, le Gabon va inaugurer à l’occasion des Jeux Africains un formidable complexe sportif. Son coût s’élève à 2 milliards de dollars, entièrement financé par l’Etat.
Le Qatar semble investir dans le sport sans se préoccuper du moindre retour sur investissement…
C’est l’impression que le pays peut donner, mais elle est fausse. Le Qatar dépense beaucoup, c’est certain, il en a les moyens, mais il attend un retour sur investissement. La différence avec l’Europe, notamment, est que les Qataris ont une vision à long terme. Ils raisonnent à la japonaise. Une vision à long terme qui englobe aussi les infrastructures. A Doha, quitte à construire un stade ou un complexe comme l’Aspire Dome, autant bâtir tout autour une piscine, un hôtel, un centre médico-sportif… A Paris, rien n’a été construit autour du Stade de France.