Le sport n’a jamais été sa priorité, mais les temps changent au Vatican. Le plus petit Etat au monde s’est doté au début de l’année de sa première fédération sportive, dédiée à l’athlétisme. Un premier pas vers la création souhaitée d’un comité national olympique.
Une délégation du Vatican défilera-t-elle un jour à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques ? Peut-être. Aux Jeux de Paris 2024 ? Possible. Le ministre des Sports du Saint-Siège, Monseigneur Melchor Sanchez de Toca, y travaille. Présent la semaine passée à Monaco pour le Forum international Peace and Sport, il l’a expliqué à FrancsJeux.
FrancsJeux : Fait-on du sport au Vatican ?
Melchor Sanchez de Toca : Nous avons une petite réalité sportive. Modeste, certes, mais réelle. Nous avons créé en janvier 2019 notre première fédération, Athletica Vaticana, pour l’athlétisme. J’en suis le président. Nous pratiquons aussi le football, le taekwondo, le cricket. Avec cinq ou six de ces réalités sportives, nous pourrions constituer un comité national olympique. Et pouvoir défiler, un jour, aux Jeux olympiques. Nous ne voulons pas lutter pour les médailles. Notre comité olympique serait surtout symbolique. Mais cela permettrait de montrer que les valeurs de l’olympisme peuvent être partagées par les chrétiens.
Quels rapports entretenez-vous avec les grandes organisations sportives internationales, dont le CIO ?
Le conseil pontifical, le gouvernement du Saint-Siège, possède un ministère de la Culture et du Sport. Je m’occupe du sport. Depuis 5 ans, nous entretenons des relations avec le CIO, le comité olympique italien (CONI), le comité international paralympique (IPC), les fédérations internationales… J’ai été invité par le CIO aux Jeux de Rio 2016. Aux Jeux d’hiver de PyeongChang 2018, le Vatican a été invité pour la première fois au titre d’observateur.
Que recherchez-vous auprès du mouvement sportif international ?
Je crois qu’il est devenu important de créer des relations entre les communautés religieuses et les grandes organisations sportives. Il n’est pas question de faire du prosélytisme, mais nous voulons servir les hommes et les femmes de notre temps. Il faudrait mieux travailler ensemble. Le sport peut aider les communautés religieuses à combattre les pathologies de la religion, dont le fondamentalisme. Dans l’autre sens, la religion peut aider le monde du sport en lui apportant des vitamines éthiques et morales.
Vous pensez qu’il en a aujourd’hui grand besoin ?
Le sport professionnel est devenu une industrie et un énorme marché. Nous devons en tenir compte. Les gens sont très attirés par le spectacle du sport. Cela veut dire que le sport touche quelque chose de profond chez l’individu. Mais il faut aider cette industrie à se doter d’un code de régulation éthique, en mettant toujours la personne au centre du sport. Le sport doit être un moyen, pas une fin. Une voix extérieure au monde du sport, comme celle de l’église, peut aider à repositionner les valeurs fondamentales du sport.
Comment le CIO accueille-t-il votre projet de création d’un comité national olympique du Vatican ?
Nos rapports avec le CIO sont excellents. Nous avons des échanges constants. Mais nous voudrions donner plus de stabilité à ces relations, dans la perspective de la création d’un comité olympique du Vatican.
Votre projet de création d’un comité national olympique est-il à court ou long terme ?
Je dirais à moyen terme. Nous avons commencé par l’athlétisme. J’ai profité de ma venue à Monaco, au Forum Peace and Sport, pour me rendre au siège de World Athletics. Nous avons débuté des discussions pour l’affiliation de notre fédération. Elle est encore modeste, nous aurons peut-être 90 licenciés en début d’année prochaine. Mais si nous obtenons la reconnaissance par une fédération internationale, le processus sera plus facile avec les autres. Lorsque nous aurons cinq disciplines sportives affiliées à leurs fédérations internationales respectives, nous pourrons penser à la constitution d’un comité national olympique.
Le Vatican défilera-t-il à la cérémonie d’ouverture des Jeux de Paris 2024 ?
Cela me semble réaliste, même s’il faut résoudre des difficultés de nature légale. Nous avons quelques nœuds à démêler, le Vatican n’étant pas un pays comme les autres. La citoyenneté vaticane existe, mais elle est reliée à la fonction. Le Vatican recense actuellement 600 citoyens et 823 résidents. Composer avec ces particularités constitue un défi, certes, mais un défi intéressant pour tout le monde car il faudra savoir se monter créatifs.