La station de Saint-Moritz se lancera-t-elle dans la bataille des Jeux d’hiver de 2022 ? Comme souvent en Suisse, la question sera posée aux habitants. La population du canton des Grisons sera appelée à se prononcer, par référendum, le 3 mars prochain, sur l’opportunité d’une nouvelle candidature. Selon les derniers sondages, le non aurait une courte avance (45%) sur le oui (42%), mais les indécis restent nombreux (13%). Les Suisses n’ont pas abandonné leur idéal olympique. Après cinq échecs successifs, ils rêvent toujours des Jeux d’hiver. Mais ils s’interrogent sur l’opportunité de dépenser une fortune pour une campagne à l’issue forcément aléatoire.
Signe des temps : l’Autriche se pose plus ou moins la même question. L’hypothèse d’une candidature de Vienne pour les Jeux d’été de 2028 est citée avec instance depuis plusieurs mois. Mais, selon l’Austrian Times, son coût dépasserait les 100 millions d’euros. Une somme que le pays juge déjà excessive, au point de s’interroger sur l’opportunité de se lancer dans la course.
Les candidatures coûtent-elles désormais trop cher ? En décembre 2011, l’équipe de Tokyo 2020 a dû rassurer l’opinion en jurant couper de moitié le budget de sa précédente campagne. Pour les Jeux de 2016, les Japonais avaient en effet dépensé 150 millions de dollars. Un mois plus tôt, les Espagnols de Madrid 2020 avaient tenu à peu près le même discours, expliquant leur intention de réduire de 30 à 40% leur budget de campagne, pour le maintenir dans une fourchette de 30 à 35 millions d’euros.
A l’heure où le sport français évoque avec une extrême prudence la possibilité de lancer Paris dans la bataille, a priori furieuse, des Jeux d’été de 2024, plusieurs voix se font déjà entendre pour évoquer le coût d’un tel défi. La dernière tentative française, Annecy 2018, avait battu une forme de record : 20 à 25 millions d’euros de dépenses, pour seulement 7 voix le jour du vote des membres du CIO. Le calcul laisse perplexe : environ 3 millions d’euros par voix. Selon une estimation, l’échec des différentes candidatures de la France aux Jeux, hiver et été, aurait coûté plus de 120 millions d’euros en 20 ans.
Le prix d’une candidature olympique varie, actuellement, entre 80 et 150 millions d’euros pour les Jeux d’été, 50 à 100 millions pour ceux d’hiver. Faute de pouvoir casser sa tirelire, une ville part quasiment battue d’avance, même en ayant ficelé le meilleur dossier possible.
Faut-il pour autant renoncer ? Sûrement pas. Londres 2012 l’a encore démontré : organiser les Jeux, et les réussir, reste pour une ville et un pays un formidable levier de développement et un vecteur d’image unique en son genre. Mais le risque est grand, en ces temps de crise, de voir certaines nations remballer leur projet face au montant de l’addition. Et il serait périlleux pour l’avenir des Jeux de réduire la course à une affaire de gros sous.
La solution passe peut-être par la mise en place, par le CIO, d’une forme de « salary cap », un budget plafonné qui éviterait les excès et égaliserait les chances. En imposant aux villes candidates une sorte de « fair-play financier », l’institution olympique aurait le mérite de recentrer la course aux Jeux sur l’essentiel : la qualité des dossiers. Elle aurait aussi tout à gagner à voir des pays dits « moyens », économiquement parler, se lancer dans l’aventure d’une candidature. L’universalité olympique serait plus forte que jamais.