Sale temps pour le rugby. A en croire la directrice du département des analyses de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), Françoise Lasne, ce sport serait le plus touché par la triche. Interrogée dans le cadre d’une commission d’enquête du Sénat sur l’efficacité de la lutte, la scientifique a dévoilé ses chiffres. Ils laissent perplexe.
«Je me suis intéressée aux sports sur lesquels au moins 400 échantillons nous sont parvenus (394 pour le basket-ball) en 2012, afin d’avoir des statistiques fiables, explique Françoise Lasne. Huit disciplines correspondent à ce critère. Si nous tenons compte de toutes les molécules interdites présentes sur la liste de l’Agence mondiale antidopage, le sport qui donne le plus haut pourcentage de cas positifs est le rugby. Vient ensuite le football, puis l’athlétisme, le triathlon, le basket-ball, le cyclisme, le handball et la natation.»
Dans le détail, le rugby représente 10,4 % des résultats anormaux en 2012, derrière l’athlétisme (12,6%) et le cyclisme (14,9%). Mais, avec 22 cas positifs sur 588 échantillons prélevés, il est le sport donnant « le plus haut pourcentage de cas positifs. »
Dans le rugby français, l’annonce de l’AFLD a d’abord été accueillie comme une mauvaise blague. Fédération, Ligue nationale et syndicat des joueurs se sont dits « choqués ». Les trois institutions dénoncent, dans un communiqué commun, un « amalgame entre résultats anormaux d’analyses et les cas avérés de dopage. »
Au-delà de ces chiffres, forcément sujets à certains doutes, les déclarations de Françoise Lasne et les statistiques de l’AFLD apportent un éclairage très instructif sur la réalité des contrôles d’un sport à l’autre. Sans surprise, le cyclisme apparaît de loin comme la discipline la contrôlée en 2012, avec 1812 échantillons analysés, devant l’athlétisme avec 1164 échantillons, le rugby (588), le football (548) et le handball (452).
La géolocalisation des sportifs, qui permet aux instances de savoir à l’avance où les trouver pendant une heure chaque jour pour les soumettre à des contrôles inopinés, est générale pour les cyclistes et tous les sportifs de haut niveau dans les sports individuels, tennis inclus. En rugby, elle concerne un joueur par club et tous les internationaux. En football, un joueur par club, mais les internationaux ne sont pas suivis.
Par ailleurs, le cyclisme, l’athlétisme et la natation augmentent régulièrement le nombre des contrôles sanguins inopinés. En football, le prélèvement urinaire est la règle, or on sait qu’il est désormais assez peu fiable. En tennis, seulement 10 % des tests sont réalisés hors compétition. Les statistiques de ce dernier sport laissent pantois : 2.150 contrôles dans le monde en une saison, dont 195 urinaires et 21 sanguins hors compétition. Trois fois rien.
Le rugby peut bien se déclarer « choqué » et hurler à l’injustice, la lutte contre le dopage n’y est visiblement pas une priorité. Mais que ses dirigeants se rassurent : ils ne sont pas les derniers de la classe.