Faut-il y voir une défaite de la France ? Ou une victoire de l’Autriche ? Un revers du CIO ? Ou une preuve de plus de la prédominance de l’argent dans le mouvement sportif ? Un peu de tout cela, sans doute. Dans la bataille pour la présidence de SportAccord, l’organisation qui chapeaute les fédérations internationales, le Français Bernard Lapasset affrontait l’Autrichien Marius Vizer. Le scrutin, organisé ce vendredi matin à Saint-Pétersbourg, a livré son verdict : Marius Vizer, le président de la Fédération internationale de judo, a été préféré à Bernard Lapasset, son homologue du rugby (IRB). L’Autrichien a obtenu 52 voix sur les 92 suffrages exprimés. Il succède donc au Néerlandais Hein Verbruggen à la tête de SportAccord.
Surprenant ? Pas vraiment. Marius Vizer s’était lancé le premier dans la course. Il a mené campagne pendant deux ans. Et il a pu s’appuyer sur le puissant réseau du judo mondial. A l’opposé, Bernard Lapasset est parti tard, au début du printemps, trop tard pour rattraper son retard. Sa campagne a manqué de moyens, à l’image du stand « fantôme » de la France à la convention SportAccord, en début de semaine. Ses soutiens se sont révélés moins nombreux et moins organisés.
Homme d’affaires avisé, Marius Vizer n’a jamais caché son penchant pour le « sport-business ». Au judo, il a redressé les comptes et su remplir les caisses. Il entend en faire autant à SportAccord. Pour preuve son projet de mettre rapidement sur pied une sorte de loterie mondiale du sport et son idée, résolument ambitieuse, de créer à l’échelle de la planète une banque à vocation sportive. Une victoire de l’argent, diront certains. Sans doute. Mais pas seulement.
Son programme de candidat, l’Autrichien l’a également construit autour d’un projet très controversé d’organiser à partir de 2017 des « World United Games », sorte de gigantesques championnats du monde ouverts à tous les sports, olympiques ou non, prévus tous les quatre ans. En clair, une alternative aux Jeux olympiques, mais au programme plus large. A lire entre les lignes, il est aisé de deviner que la victoire de Marius Vizer constitue un revers pour le CIO.
A peine élu, le nouveau président de SportAccord s’est voulu rassurant. Il a insisté sur la prédominance des Jeux olympiques, et sur le fait que ses « World United Games » ne constitueraient en aucune manière une forme de concurrence. Puis l’Autrichien a servi un discours plus convenu : « Il est connu de tous que ma vie entière a été dédiée au judo et au sport en général. Et cela restera inchangé. Je suis prêt à mettre mon temps et mon énergie au service du développement de tous les sports. En menant de front mes activités au judo et à SportAccord, je considère que nous pourrons faire progresser ces deux organisations. »
Bernard Lapasset, lui, fait grise mine. Le Français devra patienter. Ou s’attaquer à un autre défi.