Les trois villes candidates aux Jeux d’été de 2020 avaient fait le voyage vers Lausanne, le week-end dernier, à l’occasion de l’Assemblée générale de l’Association des comités olympiques nationaux (ACNO). Chacune a été appelée sur la scène, samedi 15 juin, pour une présentation très formelle. Dans l’assistance, les représentants de plus de 200 pays. Et parmi eux, naturellement, plusieurs membres du CIO, dont Jacques Rogge, le président.
Comme le veut la tradition, peu de commentaires ont filtré de ces trois présentations. De l’avis général, Tokyo a laissé une solide impression de savoir-faire et d’expérience. Les Japonais progressent dans l’art de vendre leur candidature. Ils mettent les athlètes en avant et promettent des Jeux compacts, sûrs et rigoureux. Classique mais rassurants. Leur cote reste haute. Surtout, elle s’avère assez stable.
Un moment jugée hors course, Madrid remonte la pente. Son équipe de candidature redouble d’efforts pour convaincre les votants d’oublier les problèmes économiques actuels de l’Espagne. Elle avance également ses pions sur le dossier épineux du dopage, en brandissant la nouvelle loi antidopage votée par le Parlement espagnol. Pas simple. Mais il se murmure, en coulisses, que la cote de Madrid remonterait de façon assez spectaculaire parmi les membres du CIO. A voir.
Pour Istanbul, la donne se révèle complexe. Samedi, à Lausanne, son comité de candidature a osé quelques allusions à la contestation qui secoue le pays. Avec cet objectif : convaincre l’assistance que la capitale n’en serait qu’«une ville-hôte encore meilleure en 2020». Ugur Erdener, le président du comité olympique turc, a assuré dans son élocution : « Le chemin d’une nation démocratique n’est pas toujours facile, mais c’est un chemin juste. »
Au CIO, plusieurs voix se sont élevées récemment pour expliquer que les contestations d’aujourd’hui n’auraient aucune conséquence sur le vote du mois de septembre 2013, les votants sachant par expérience que les difficultés du moment seront oubliées au moment des Jeux, dans sept longues années. Mais un membre de l’institution olympique a confié sous couvert d’anonymat à l’AFP : « Quand on voit le mécontentement des habitants pour la construction d’un centre commercial, alors on peut imaginer ce que pourraient être les protestations si Istanbul gagnait les Jeux, et ce qui se passerait lors du début des travaux. »
Un sentiment que le patron d’Istanbul 2020, Hasan Arat, a commenté lors d’un point presse à Lausanne : « C’est comme un marathon et vous devez jouer le jeu jusqu’au bout. Vous pouvez avoir des hauts et bas. Mais la chose la plus importante, c’est que nous sommes ce que nous sommes. Rien n’a changé pour nous. Nous sommes un pays jeune et dynamique. »
Observateur éclairé de ces joutes olympiques, l’Américain Michael Payne, ancien directeur de marketing du CIO, aujourd’hui consultant, analyse ainsi cette partie d’échecs à trois joueurs : « Chaque candidature est un grand huit. Tout est une question d’équilibre. La façon dont le gouvernement turc fait face à la contestation reste la clé pour les chances d’Istanbul. Il y a dix ans en arrière, vous n’auriez probablement rien vu de tel, c’est le signe que le pays évolue vers une démocratie. »
Où en est aujourd’hui la cote d’Istanbul ? Les voies du CIO ont toujours été impénétrables. Difficile de trancher, surtout à plus de deux mois du vote de son Assemblée générale. Et il n’est pas certain que la remise du rapport du comité d’évaluation sur les trois villes candidates, prévue le 25 juin, apporte plus de réponses.