La Russie aime-t-elle l’athlétisme ? En promenant ses regards dans les tribunes du stade Loujniki, depuis le début des championnats du monde, il est permis d’en douter. Le public y est éparpillé, des travées entières restant vides tout au long de la journée. L’ambiance reste timide. Les spectateurs quittent parfois les lieux avant la fin des compétitions. A l’exception, bruyante et joyeuse, d’une imposante colonie d’Ukrainiens, habillés de bleu et jaune.
A Moscou, le spectacle de ce stade fait jaser. Certains athlètes s’en sont plaints ouvertement, à l’image du Britannique Mo Farah, vainqueur du 10 000 m, ou de l’Américain Aries Merritt, le recordman du monde du 110 m haies. Le décathlonien allemand Pascal Behrenbruch interroge : « Comment peut-on attribuer les championnats du monde d’athlétisme à un pays qui ne soutient pas l’athlétisme ? » Dimanche soir, plusieurs milliers de places sont restées vides pendant la finale du 100 m.
A moins de six mois des Jeux d’hiver à Sotchi, et cinq ans de la Coupe du Monde de football 2018, la Russie passe une forme de test, pendant ces Mondiaux d’athlétisme. Un test jusque-là peu concluant.
Vice-présidente de la Fédération russe d’athlétisme, l’ancienne triple-sauteuse Tatyana Lebedeva ne fait pas mystère d’une certaine gêne. « Les gradins sont tout sauf plein, c’est vrai, a-t-elle expliqué dans une tribune libre du quotidien Sovetski Sport. Au final, les organisateurs se verront reprocher des erreurs. Mais soyons un peu indulgents. Nous n’avons tout simplement pas l’expérience d’organiser de grands événements d’athlétisme. Il y a beaucoup de choses que nous ne savons pas. Par exemple, les décathloniens ont pour tradition de faire un tour d’honneur, mais nous leur avons demandé de quitter la piste. La tradition a été rompue. Mais croyez-moi, cette erreur ne se reproduira plus. Nous apprenons et apprenons avec plaisir. »
Selon des sources proches des organisateurs, la capacité actuelle du stade Loujniki, normalement proches de 85 000 places, a été réduite à 50.000 places. Le nombre de billets en vente au public a été limité à 33.000, après déduction des invitations et des places pour la presse. Autre précision : les prix sont très accessibles, les billets les moins chers ayant été vendus 100 roubles, soit environ 2,30 euros. De nombreux billets coûtent moins de 1.000 roubles (23 euros), tandis que les plus chers dépassent 2.000 roubles (46 euros).
Interrogé par la presse étrangère, Sergueï Bubka n’a pas éludé le problème. « Nous avons fait des efforts, la campagne de billetterie a été solide, a expliqué l’ancien perchiste, actuel candidat à la présidence du CIO. Mais nous ne pouvons jamais être sûrs que les gens qui ont acheté des places vont réellement venir au stade. Il fait très beau en ce moment à Moscou. Et quand le soleil brille, les Russes vont tous dans leurs maisons de campagne. » Un scénario heureusement peu susceptible de se reproduire en février prochain pendant les Jeux de Sotchi…
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