Président de l’Organisation internationale de la francophonie, le Sénégalais Abdou Diouf connaît parfaitement le mouvement olympique et son futur ex président. Il évoque pour FrancsJeux l’héritage du dirigeant belge, mais aussi la place du français dans le mouvement sportif et les Jeux de la Francophonie 2013 à Nice.
FrancsJeux: Le mouvement Olympique s’apprête à changer de Président, le 10 septembre prochain. Selon vous, quel héritage laissera Jacques Rogge ?
Abdou Diouf: Celui d’un bâtisseur et d’un visionnaire. Les notions d’héritage et de legs lui correspondent parfaitement. Il a conduit et mené à bien de nombreux chantiers cruciaux pour l’avenir du mouvement olympique : organisation des Jeux dans des pays émergents et création des Jeux Olympiques de la Jeunesse, renforcement de la place des femmes dans le sport, lutte contre la corruption et amélioration de la lutte contre le dopage. Sans oublier l’ouverture culturelle dont il a toujours fait preuve dans le cadre de notre excellente collaboration. Jacques Rogge a toujours répondu présent pour appuyer nos démarches auprès des organisateurs des Jeux afin de renforcer progressivement la place de la langue française dans les Jeux olympiques et je lui en suis reconnaissant.
La Francophonie constitue-t-elle encore une force dominante au sein du CIO ? Quelles sont ses perspectives d’avenir ?
C’est avant tout une question de conscience de soi et de volonté. Oui, les francophones sont nombreux au sein du mouvement olympique et sportif international, y compris à des postes à responsabilité. Regardez leurs succès récents avec par exemple l’élection de Tony Estanguet au CIO et celle de Jean-Christophe Rolland à la Présidence de la Fédération internationale d’aviron ! Oui, ils connaissent bien le mouvement olympique. Oui, ils sont compétents. Mais ont-ils suffisamment conscience d’eux-mêmes, de l’influence qu’ils peuvent exercer et de la force qu’ils peuvent représenter s’ils travaillent ensemble, entre francophones, autour de grands projets et des grands enjeux qui traversent le mouvement olympique ?
Depuis les Jeux de Pékin, nous encourageons la formation d’une famille sportive francophone : relations avec les membres du CIO, soutien à la création d’associations francophones de Comités Nationaux Olympiques (CNO), de fédérations internationales, d’académies olympiques, événements francophones pendant les Jeux par exemple.
Je dis aux responsables sportifs francophones : rassemblez-vous, travaillez ensemble en réseau, organisez-vous pour partager et promouvoir ensemble vos intérêts. Vous avez une spécificité à faire valoir mais vous devez être unis. L’OIF sait exercer une véritable magistrature d’influence avec ses 77 Etats et gouvernements. Elle est prête à vous accompagner encore davantage.
Quelles assurances avez-vous que le français sera bien traité, en tant que langue officielle du CIO, lors des Jeux de Sotchi ?
Sur le plan technique, nous travaillons étroitement avec Sotchi 2014 depuis le mois de septembre 2012 et avons déjà prévu d’envoyer une trentaine de jeunes traducteurs et interprètes francophones volontaires. Nous avons également recommandé une quinzaine d’interprètes professionnels. Nous sommes également en contact régulier avec différentes personnes associées à la préparation des Jeux qui peuvent nous alerter en cas de dysfonctionnements sur l’offre de services linguistiques.
Sur le plan politique, j’ai confié à Hélène Carrère d’Encausse, Secrétaire perpétuel de l’Académie française, la mission de Grand Témoin de la Francophonie pour les Jeux de Sotchi. C’est une femme remarquable qui connaît mieux que quiconque la Russie et qui défend la langue française avec conviction et passion. J’ai également récemment rendu visite à Jacques Rogge avec lequel j’ai évoqué ce sujet et qui a de nouveau apporté son appui sur les points délicats. Reste désormais à rencontrer Dmitry Chernyshenko, Président de Sotchi 2014, et à signer avec lui notre convention de partenariat, comme lors des précédentes éditions des Jeux.
Parmi les six candidats à la Présidence du CIO, lequel vous semble le plus « francophone » ?
Je suis convaincu qu’ils ont tous, à un titre ou à un autre, une fibre francophone qui deviendra notre alliée. Certains sont issus de pays francophones, d’autres parlent parfaitement le français et sont présents lors de nos événements, d’autres encore ont, dans un passé récent ou ancien, posé des gestes symboliques forts en direction des francophones, ont pris l’habitude de travailler avec les réseaux sportifs et institutionnels francophones ou ont déjà eu l’occasion de nous rencontrer.
L’homme d’avenir du CIO, puisqu’il n’y a malheureusement pas de candidate, sera celui qui incarnera la diversité, l’ouverture à la différence. Le mouvement olympique, les Jeux Olympiques, qui reçoivent plus de 200 délégations du monde entier, et présentent près de 30 sports différents, sont la diversité par essence ! Ils ne peuvent pas céder à la tentation de l’uniformité ! Pensée unique, monolinguisme, gastronomie unique, etc, cela n’a aucun sens dans ce contexte et cela serait régressif. J’invite donc les candidats à la Présidence du CIO à inclure cette préoccupation et ce besoin d’ouverture dans leur projet à long terme, et non pas seulement pour l’échéance électorale immédiate.
Comment se présentent, selon vous, les Jeux de la Francophonie en septembre à Nice ?
Nous sommes à quelques jours de cet événement majeur puisque la cérémonie d’ouverture, prestigieuse, aura lieu le 7 septembre sous la Présidence de François Hollande, en présence de plusieurs chefs d’Etat et de nombreuses personnalités. 55 délégations et plus de 3000 jeunes sportifs et artistes seront accueillis.
Les Jeux de la Francophonie sont un événement auquel je crois beaucoup. Encore jeune, puisqu’il ne s’agit que de la 7è édition, c’est un concept unique alliant compétitions sportives et concours artistiques. Pour la première fois à Nice, nous accueillerons également des compétitions paralympiques. De nombreux jeunes lauréats connaissent ensuite une belle carrière olympique ou artistique : nous sommes là pour leur mettre le pied à l’étrier et donner leur chance aux jeunes talents francophones. La ville de Nice, les autorités françaises et les pays participants sont fortement mobilisés pour garantir le succès de cette 7è édition.