Les temps changent dans la maison olympique. Les favoris ne sont plus les victimes d’une étrange malédiction qui les poussent à trébucher au moment d’aller saisir la victoire. Désormais, ils gagnent. Après Tokyo, large vainqueur de la course aux Jeux d’été de 2020, le CIO a élu cette après-midi à Buenos Aires son nouveau président. Et, devinez quoi, le nom sorti des urnes est celui que les rumeurs donnaient gagnant depuis plusieurs mois. Depuis toujours, en fait.
L’Allemand Thomas Bach, ancien fleurettiste médaillé d’or par équipes aux Jeux de Montréal en 1976, avocat d’affaires et président du comité olympique de son pays, a été choisi par ses pairs pour succéder à Jacques Rogge, ancien champion du monde de voile dans les années 70, chirurgien orthopédique de formation. Un avocat remplace un médecin, beaucoup y verront le signe d’une évolution douteuse de l’univers olympique, et même du sport en général.
Annoncé favori, Thomas Bach, 59 ans, a connu une après-midi presque tranquille. Au premier tour de scrutin, au Hilton de Buenos Aires, les deux Asiatiques de la course, le Taïwanais CK Wu et le Singapourien Ser Miang Ng, sont arrivés derniers, mais avec le même nombre de voix. Un deuxième suffrage a été nécessaire pour en éliminer un des deux. CK Wu, le président de l’AIBA, a été celui-là. A ce stade de la course, il n’était pas nécessaire d’avoir étudié la géopolitique pour saisir que la victoire de Tokyo, trois jours plus tôt, avait sonné le glas des ambitions du continent asiatique.
Le deuxième tour s’annonçait incertain. Il ne l’a pas été. Thomas Bach a bouclé l’affaire avec 49 voix, contre 29 à son plus sérieux rival, le Porto-ricain Richard Carrion, obtenant la majorité absolue sans avoir à poursuivre l’élection. Il devient le 9ème président du CIO depuis la création de l’institution, en 1894, le premier Allemand à ce poste. Et, surtout, le 8ème Européen de la liste. Une façon de signifier, pour l’Assemblée générale de l’organisation, que si les Jeux vont désormais le plus souvent en Asie, le pouvoir reste au Vieux Continent.
La victoire de Thomas Bach n’a rien d’une surprise. Vice-président du CIO, où il est entré en 1991, l’Allemand avait préparé son affaire à l’heure où certains de ses rivaux ne pensaient même pas à tenter leur chance. Il était parti le premier, il est arrivé le premier. Normal.
Certes, les dernières semaines lui ont parfois paru longues. Un documentaire de la chaîne allemande ARD avait mis en cause son intégrité, pointant ses relations jugées très étroites (trop?) avec le sheikh Ahmad al-Fahad al-Sabah, président du comité olympique du Koweït, ancien patron de l’OPEP, l’un des hommes les plus influents de la maison olympique. La veille du scrutin, le Suisse Denis Oswald, l’un des six candidats au poste, l’avait nommément accusé lors d’une interview à la télévision suisse d’utiliser « sa position avantageusement pour passer des contrats pour les sociétés qu’il représente. » La presse allemande s’était également interrogée sur son contrat de consultant avec Siemens, fournisseur des Jeux olympiques de Pékin en 2008.
Tout juste élu, Thomas Bach a été appelé à la tribune. Visiblement préparé à l’exercice, il d’abord remercié ses électeurs de leur confiance. «C’est un signe de confiance que vous m’adressez. Mais aussi une grande responsabilité, mais je mènerai cette tache en suivant mon credo: unité et diversité », a déclaré le nouveau seigneur des anneaux olympiques. L’Allemand a remercié ses pairs en sept langues. Très fort.
Alain Mercier
Le décompte des voix (au 2ème tour): Thomas Bach 49, Richard Carrion 29, Ser Miang Ng 6, Denis Oswald 5, Sergueï Bubka 4 (CK Wu avait été éliminé au 1er tour de scrutin)