Une jeune femme de 26 ans, médaillée de bronze olympique, va–t-elle provoquer un conflit entre la France et le Canada? Rentrée à Montréal un peu plus tôt dans le mois, pour ce qui semblait être l’épilogue d’une douloureuse affaire, Marlène Harnois n’a pas encore tiré un trait sur ses neuf années parisiennes. Depuis son retour au Québec, elle a repris l’entraînement, avec la volonté affirmée de défendre les couleurs canadiennes aux Jeux de Rio en 2016. Seul ennui, mais de taille: son éventuelle sélection olympique passe par une lettre de « libération » de la Fédération française de taekwondo, document indispensable pour représenter un autre pays avant la période des trois ans prévue par les règlements. Mais rien, aujourd’hui, ne laisse penser que cette lettre sera prochainement signée et envoyée aux autorités sportives du Canada.
Rappel des faits. En mai dernier, Marlène Harnois, canadienne d’origine mais devenue française à l’âge de 18 ans, pour poursuivre en banlieue parisienne sa carrière en taekwondo, accuse dans les médias son entraîneur, Myriam Baverel, de harcèlement moral. Le premier épisode de l’affaire Harnois, le plus médiatique. Une enquête de l’inspection générale est diligentée à la demande de Valérie Fourneyron, ministre des Sports. Elle dure plusieurs semaines. Pour en venir à la conclusion que Marlène Harnois a «bénéficié d’une prise en charge satisfaisante», mais que son encadrement «n’a pas toujours été au niveau de ce qui est attendu en termes d’accompagnement des athlètes».
En clair, Myriam Baverel sort blanchie de l’affaire. Marlène Harnois, de son côté, écope de la Fédération française de taekwondo d’une suspension de deux ans. Elle décide alors de quitter la France et de rentrer au pays, où elle retrouve la maison familiale, à Montréal.
L’histoire pourrait s’arrêter là. Mais, obstinée et accrocheuse, la jeune femme n’entend pas quitter ainsi le sport de haut niveau, par une petite porte. Elle assure vouloir reprendre sa carrière où elle l’a interrompue. Avec une idée fixe: offrir une médaille au Canada en 2016 au Jeux de Rio.
Pour cela, une demande de libération a été envoyée par Taekwondo Canada à la Fédération française. A ce jour, sans réponse. Au Québec, on se dit raisonnablement optimiste, en vertu des « bonnes relations » entre les deux institutions sportives.
Côté français, en revanche, le ton s’avère moins clément. Roger Piarulli, le président de la Fédération, met une condition à l’envoi du précieux document: il exige de Marlène Harnois qu’elle retire ses accusations. « Pas question, » répond l’athlète.
La balle est donc dans le camp de la Fédération française de taekwondo. Marlène Harnois explique qu’elle fera appel, si besoin, au soutien et à l’influence du Comité olympique canadien et de son président, Marcel Aubut, québécois lui aussi et proche de Denis Masseglia, le président du CNOSF. Elle se dit également « prise en otage » par la France.
Aux Jeux de Londres, le Canada n’a décroché aucune médaille en taekwondo. Avec Marlène Harnois, il peut espérer en ramener une des Jeux de Rio. Une perspective derrière laquelle la jeune femme croit deviner les raisons du refus français de la « libérer ». Elle l’a suggéré à la presse du Québec: « Il (Roger Piarulli) ne veut pas que je batte une Française en finale à Rio ».
Le feuilleton continue. A suivre, donc.