Thomas Bach est à Sotchi. Le dirigeant allemand préside, à partir d’aujourd’hui, la 126ème session du CIO. Une forme de « hors d’oeuvre », avant d’ouvrir vendredi soir ses premiers Jeux à la tête de l’institution olympique. Il a répondu, peu de temps après son arrivée dans la ville russe, aux questions de Stéphanie Pertuiset et Stuart Williams, de l’AFP. Interview.
Pour ces Jeux, les autorités russes se sont retrouvées sous les projecteurs avec des accusations de corruption, de désastre écologique, de discrimination à l’encontre des homosexuels, de mauvaises conditions des travailleurs immigrés. Sept ans après l’attribution des Jeux, pensez-vous que la Russie les mérite toujours?
Thomas Bach: Oui, parce que ce genre de discussions montre la pertinence des Jeux olympiques et à quel point le monde est intéressé par les Jeux, qui attirent l’attention sur des pays. Et nous apprécions ce genre de discussions parce que cela nous donne aussi l’occasion de clarifier ce que le CIO fait, quelles sont les possibilités et où sont nos limites. Dans cette optique, notre responsabilité est de s’assurer que soit appliquée la charte olympique durant les Jeux olympiques pour tous les participants. Et à cet égard, nous avons toutes les assurances du président de la Fédération de Russie et de son gouvernement.
Vous insistez sur les principes de la charte olympique. Mais que répondez-vous aux organisations de défense des droits de l’homme qui proclament que la Russie l’a déjà enfreinte?
Qu’avant tout qu’il est question de Jeux olympiques. Le CIO n’est pas un gouvernement mondial qui peut imposer des mesures à un État souverain et qui peut outrepasser des lois votées par un Parlement souverain. Notre responsabilité, que nous prenons très au sérieux, est de s’assurer de l’application totale de la charte olympique durant les Jeux. Si quelque chose survient sur ce plan, nous cherchons à avoir un éclaircissement des organisateurs ou de trouver une solution.
N’êtes-vous pas fatigué d’être interrogé comme si vous étiez le porte-parole des autorités russes, de devoir défendre leur bilan?
Non, parce que cela nous offre l’occasion d’expliquer quelle est notre propre responsabilité. Et parfois, il y a des malentendus. Les gens pensent que nous pouvons résoudre tous les problèmes qui n’ont pas été résolus, ni par les hommes politiques ni par des ONG, et qui ne pourront pas l’être par d’autres. Notre mandat est de faire respecter l’application de la charte olympique et par là-même envoyer le message: comment les gens peuvent vivre pacifiquement ensemble sans aucune forme de discrimination. Cela, c’est notre mission, et je ne serai jamais fatigué de l’expliquer mais j’espère juste qu’un jour certains la comprendront un peu mieux.
Dans un documentaire diffusé dimanche sur la télévision d’État russe, Vladimir Poutine raconte que plusieurs membres du CIO lui disaient en 2007: « Nous soutenons la Russie d’aujourd’hui et nous voulons la soutenir. Nous avons besoin d’un tel pays ». Accorder ces Jeux était-il vraiment un moyen de soutenir ce « nouveau » pays?
Je ne peux pas connaître les motivations de chacun des membres du CIO. Mais nous avons ces Jeux d’hiver ici à Sotchi et nous pouvons voir que la Russie et les Russes ont livré ce qu’ils avaient promis: avoir un nouveau centre de sports pour la Russie. L’idée de Jeux à Sotchi n’est pas si nouvelle. Je dirigeais la commission d’évaluation du CIO quand Sotchi était candidate pour les JO de 2002. A cette époque, nous n’avions pas vu alors les conditions pour faire ce qui a été réalisé maintenant, environ vingt plus tard.
Plusieurs célèbres opposants au gouvernement russe, comme les Pussy Riots ou Mikhail Khodorkovsky, ont été libérés ces dernières semaines. Pensez-vous que la Russie sortira différente de ses Jeux?
Encore une fois, notre mission est d’envoyer le message d’une société libre, sans aucune forme de discrimination, au monde. Et j’espère que le monde le comprendra et que les gens réfléchiront à ce que cet exemple signifierait pour leur société. C’est tout le message que nous portons.