Etrange affaire. Au dernier Festival de Cannes, organisé au mois de mai sur la Croisette, Sepp Blatter et Gérard Depardieu ont posé ensemble pour les photographes, souriants et détendus, avant de monter les marches. La raison: la projection en avant-première du film United Passions, réalisé par Frédéric Auburtin, consacré à l’histoire de la FIFA depuis sa création à Paris, en 1904, jusqu’à aujourd’hui. Gérard Depardieu y interprète l’un des rôles principaux, celui de Jules Rimet, président de la FIFA entre 1921 et 1954, initiateur de la Coupe du Monde de football. Le personnage de Sepp Blatter y est joué à l’écran par l’acteur britannique Tim Roth.
Le propos du film n’a rien, en soi, de polémique ou dérangeant. Il raconte et explique comment la Fédération internationale de football est devenue en un peu plus d’une siècle une machine à gagner de l’argent. Et pourquoi elle le doit en partie au génie commercial de certains de ses dirigeants. Jules Rimet hier, Sepp Blatter aujourd’hui. Pas vraiment un film à charge, donc.
Mais le long métrage de Frédéric Auburtin pose question. Premier sujet de polémique: son financement. A en croire la production, United Passions aurait coûté un peu moins de 25 millions d’euros. Un budget bouclé pour l’essentiel (20 millions d’euros) par la FIFA elle-même. Le procédé n’est pas nouveau. Il est de plus en plus fréquent, dans l’industrie du cinéma, de faire financer un long métrage par un partenaire institutionnel. Le site bbc.com rappelle que le film Australia, avec Nicole Kidman, avait été en partie payé par le gouvernement australien et coïncidait avec une campagne de promotion mondiale du tourisme down under. Mais il est rare que le sujet même d’un film en soit le premier payeur. Et rare, également, que sa contribution atteigne une telle proportion.
Autre problème: sa distribution. Présenté au Festival de Cannes, United Passions a été brièvement montré au Portugal. Il doit sortir très prochainement en Serbie. Pour le reste, rien n’est prévu. La FIFA assure que le film sera bientôt diffusé dans plusieurs pays européens, dont la Russie. Mais les dates de sortie restent floues, voire inconnues. A croire que la FIFA n’en veut plus. Au, tout au moins, qu’elle ne souhaite plus le montrer au public.
A l’heure où les accusations de corruption pleuvent sur la Fédération internationale de football et sur certains de ses dirigeants, le film semble gêner Sepp Blatter aux entournures. En présentant l’organisation mondiale comme trop vertueuse, il risque de manquer de crédibilité. Ou même, pire encore, d’être perçu comme une oeuvre de promotion d’une institution, et d’un président, qui ne sont certainement pas au-dessus de tout soupçon. A une année de remettre en jeu son mandat, Sepp Blatter n’a sûrement pas besoin d’un nouveau boulet à traîner dans son ombre.