Thierry Braillard est un homme pressé. Le secrétaire d’Etat aux Sports français a ouvert, lundi 15 septembre à Paris, les travaux de la mission « statut du sportif », la première du genre en France. Elle regroupe 18 personnes, dont un tiers de sportifs en activité (le biathlète Martin Fourcade, l’escrimeuse Astrid Guyart, la taekwondiste Gwladys Epangue), ou en retraite plus ou moins récente (la nageuse Virginie Dedieu, la gymnaste Isabelle Severino, le footballeur Eric Carrière). Leur objectif: préparer le terrain à l’élaboration d’un projet de loi sur la création d’un statut pour les sportifs de haut niveau et les sportifs professionnels. Avec une date butoir: fin janvier 2015.
« Un travail colossal et peu de temps pour l’accomplir », souligne Jean-Pierre Karaquillo, le président de la mission, créateur du Centre de droit et d’économie du sport de Limoges, un expert de la question puisque lui-même juriste spécialiste du droit du travail. Mais plus question de traîner en route, pour Thierry Braillard. Le secrétaire d’Etat aux Sports l’a rappelé: créer un statut social et fiscal pour les athlètes figurait parmi les 30 engagements pour le sport du candidat François Hollande. « Le sport est une activité économique et professionnelle qui recèle des spécificités que le droit du travail n’appréhende pas pleinement, explique Thierry Braillard. Le code du travail connaît différents statuts dérogatoires, mais pas un seul pour le sportif professionnel ou de haut niveau. Je veux en faire le dossier de mon mandat. »
Le chantier n’est pas simple. Et les obstacles nombreux. Jean-Pierre Karaquillo l’a expliqué: les sportifs sont non seulement peu ou mal protégés, mais ils s’avèrent également en danger. Un arrêt de la Cour de cassation a récemment contesté la validité du contrat à durée déterminée pour un joueur de rugby. Un autre arrêt, prononcé celui-là par le Conseil d’Etat, remet en cause le statut de travailleur indépendant pour les joueurs de tennis et de golf. Mais le juriste insiste: « Le contrat à durée déterminée doit demeurer la norme absolue, car il est le plus protecteur pour le sportif et l’équilibre des compétitions. »
Faute d’un statut social clairement énoncé, nombreux sont les sportifs de haut niveau à évoluer aujourd’hui dans un vaste flou artistique. Virginie Dedieu, triple championne du monde de natation synchronisée en solo (2003, 2005 et 2007), explique avoir connu une année vide de toute couverture sociale entre la fin de ses études et son entrée dans la vie active. Elle raconte également avoir dû attendre l’âge de 30 ans avant de cotiser pour la retraite.
« Une telle initiative constitue une avancée très importante, car elle va sécuriser les employeurs, en l’occurrence les clubs », se félicite Philippe Diallo, le président de l’Union des clubs professionnels de football (UCPF). Florence De Castilla, la directrice juridique de la Fédération française de tennis (FFT), insiste: « Un statut du sportif doit reconnaître le temps de formation des athlètes. »
Les travaux de la mission « statut du sportif » devront accoucher d’un rapport, à rendre avant la fin du mois de janvier 2015. Il reviendra alors à Thierry Braillard et aux deux ministres de tutelle, Patrick Kanner pour le sport et François Rebsamen pour le volet travail, d’en porter les conclusions devant le Parlement afin qu’elles soient traduites en loi. La « loi Thierry Braillard »?