Qui l’eut cru? Un match catégorie poids lourds se dessine au cours des prochaines semaines, disputé sur le territoire suisse, entre Lausanne et Zurich. Il doit opposer Thomas Bach à Sepp Blatter. Le président du CIO d’un côté, son homologue de la FIFA de l’autre. Les deux dirigeants les plus puissants du mouvement sportif international, à la tête des deux organisations les plus riches du paysage. En filigrane, une improbable guerre de calendrier entre le Mondial 2022 au Qatar et les Jeux d’hiver, encore non attribués mais prévus au cours de la même année.
Le contexte du « combat » est connu: selon toute vraisemblance, la Coupe du Monde de football en 2022 ne se disputera pas en été, où les conditions climatiques au Qatar seraient incompatibles avec un événement en plein air. Elle se jouera donc soit en novembre/décembre 2022, soit en janvier/février de la même année.
La première hypothèse est présentée par la FIFA comme « l’option numéro un ». Officiellement, en tous cas. Mais Umberto Gandini, le vice-président de la puissante Association européenne des clubs (ECA), a jeté un pavé dans la mare en assurant récemment à la BBC que l’option 2 était en réalité la plus crédible. Elle serait même, selon le directeur du Milan AC, largement la plus réaliste car le tournoi planétaire se placerait alors à une période de l’année, janvier/février, où plusieurs championnats européens connaissent une pause hivernale. En novembre/décembre, en revanche, la Ligue des Champions bat son plein.
Seul ennui, mais de taille: le Mondial entrerait en concurrence directe avec les Jeux d’hiver de 2022. « Mais en quoi est-ce un problème, puisque les JO ne sont pas encore attribués », a suggéré Umberto Gandini. Avant d’ajouter, sans la moindre retenue: « Il ne me semple pas impossible de déplacer les Jeux d’hiver d’une quinzaine de jours. Une telle solution ferait non seulement le bonheur du football mondial, mais du sport tout entier. »
En clair, l’Association européenne des clubs demande au CIO de déplacer son événement majeur, les Jeux, vers le mois de mars, histoire de pas déranger le Mondial de football. A Lausanne, on s’étrangle devant un tel culot.
Selon certaines sources, le sujet devrait être évoqué au cours du mois d’octobre à l’occasion d’une réunion du CIO où doit assister Sepp Blatter en sa qualité de membre de l’institution olympique. Pas question, en effet, de laisser la polémique enfler trop longtemps, car une « task force » a été formée par la FIFA pour étudier les différentes options pour un Mondial 2022 en hiver. Dirigée par Sheikh Salman bin Ebrahim Al-Khalifa, le président de la Confédération asiatique de football, et par Jérôme Valcke, le secrétaire général de la FIFA, elle doit se réunir en novembre. Et rendre ses conclusions en début d’année prochaine.
Qui cédera? Sur le papier, Sepp Blatter a le plus à perdre d’un bras de fer entre les deux présidents. Il est en campagne pour sa réélection, à la différence de Thomas Bach, donc plus vulnérable. Il est membre du CIO, donc sujet à une certaine loyauté envers son homologue. Enfin, pousser le CIO à un compromis pourrait mettre en péril l’avenir du football aux Jeux olympiques. Mais le dirigeant suisse dispose d’une faible marge de manoeuvre. Personne, en effet, ne souhaite vraiment dans l’univers du football voir un Mondial mettre en sommeil les championnats nationaux et les compétitions européennes en plein coeur de l’automne, où les audiences sont parmi les meilleures. En cédant, Sepp Blatter se mettrait son propre camp à dos.