Le doute n’est plus permis: les dirigeants politiques français veulent une candidature de Paris aux Jeux d’été de 2024. Et l’attentisme frileux de la maire de la capitale, Anne Hidalgo, n’y changera rien. La preuve en a été donnée de façon spectaculaire au cours des trois derniers jours, à l’occasion de la réunion à Paris du Conseil de fondation de l’Agence mondiale antidopage (AMA). Une réunion de travail, la première organisée en France depuis la création de l’Agence, qui a tourné à l’opération de séduction des autorités politiques en direction de la dizaine de membres du CIO présents.
En soi, l’événement ne justifiait sans doute pas un tel déploiement de forces. La réunion du Conseil de fondation de l’AMA n’avait rien de particulièrement décisif pour l’avenir de la lutte antidopage. Mais les Français ont désormais saisi toute l’importance du concept de « diplomatie sportive ». Une dizaine de membres du CIO réunis dans la capitale, l’occasion était trop belle de dérouler le tapis rouge et mettre les petits plats dans les grands.
Tout commence vendredi 14 novembre, veille de l’ouverture des travaux, avec une conférence de presse de Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, Thierry Braillard, secrétaire d’Etat aux Sports, et Craig Reedie, le président de l’AMA et, « détail » important, membre de la Commission exécutive du CIO. Sir Craig Reedie qui avait, autre « détail », conduit les visites de la Commission d’évaluation du CIO pour les Jeux d’été de 2020. Plus tard dans la soirée, la petite troupe de l’AMA aura les honneurs d’une réception où se bousculent le banc et l’arrière-banc du sport français. Une façon pour la France de montrer au CIO que la mobilisation autour d’une éventuelle candidature rassemble forces politiques et mouvement sportif.
Samedi, les membres du CIO sont reçus à déjeuner par Manuel Valls à Matignon. Un déjeuner suivi d’un tête à tête entre le Premier ministre et Craig Reedie, entrevue que l’Ecossais aurait qualifiée de « chaleureuse et fructueuse ». En soirée, la délégation de l’AMA prend la route du Stade de France pour assister, en tribune présidentielle, au test-match de l’équipe de France de rugby face à l’Australie. Parmi les invités, les Suisses Gian Franco Kasper et Patricl Baumann, l’Allemande Claudia Bokel, le Canadien Dick Pound et, bien sûr, le Français Tony Estanguet, autant de futurs votants lorsqu’il sera question pour le CIO de choisir la ville-hôte des Jeux de 2024.
Dimanche matin, ouverture des travaux du Conseil de fondation de l’AMA. Là aussi, la France a frappé fort en logeant la réunion dans le cadre prestigieux de l’Hôtel de Lassay, la résidence officielle du président de l’Assemblée nationale. Son locataire, Claude Bartolone, ouvre la séance. Il suggère: « J’espère que vous et vos délégations sportives reviendront très vite à Paris, et pourquoi pas dès 2024. » Dans l’assistance, beaucoup ont cru voir un signe d’approbation se dessiner sur les visages des délégués de l’AMA… Selon un proche du dossier, les membres de l’Agence ne « tarissaient pas d’éloges » sur l’ambiance de la visite, son accueil et son organisation.
Au-delà du décorum et du protocole, la réunion parisienne a été l’occasion pour l’AMA d’avancer à grands pas sur plusieurs dossiers:
– L’argent d’abord. L’Agence mondiale antidopage a quitté Paris avec la promesse d’une enveloppe de 20 millions de dollars, environ 16 millions d’euros, à consacrer à la recherche. En plus des 10 M$ versés par le CIO, pas moins de 13 pays ont promis des dons pour un montant de 11,5 M$. La France en fait partie, avec un chèque de 150.000 euros. Une avancée très signification, puisque le budget recherche de l’AMA se montait à 5,4 M$ pour l’année 2014. Précision: cette enveloppe abondamment garnie sera gérée par Valérie Fourneyron, l’ancienne ministre française des Sports, présidente du Comité santé-médecine-recherche à partir du 1er janvier 2015.
– L’argent, toujours. Il a été décidé à Paris d’une hausse de 3% du budget de l’AMA. La première augmentation budgétaire depuis 2010, preuve de l’importance de renforcer la lutte sur le plan mondial et de mener à leur terme les différentes missions de l’Agence.
– Les textes, ensuite. La Conseil de fondation de l’AMA a approuvé le plan stratégique 2015-2019. Ses priorités: assistance à la mise en conformité avec le code mondial antidopage, renforcement de l’éducation et de la prévention des athlètes, développement de la nouvelle plate-forme ADAMS de localisation des sportifs, coopération accrue entre l’Europe et l’AMA afin d’aider les pays et les organisations à se mettre en conformité avec les exigences de la lutte. Enfin, il a été décidé par les membres du Conseil une action de plaidoyer auprès du Tribunal arbitral du sport (TAS), jugé trop lent, coûteux et opaque sur les questions de dopage.