Le projet d’une candidature française aux Jeux d’été en 2024 avance à son rythme. Mardi 25 novembre, le Comité français du sport international (CFSI) présentera ses travaux au mouvement sportif francilien. Une étape supplémentaire avant une décision des autorités politiques annoncée pour le mois de janvier 2015. Expert international du sport et de l’olympisme, Armand de Rendinger connaît parfaitement le sujet, pour avoir accompagné depuis près de trente ans trois candidatures françaises et une dizaine d’étrangères. Il vient d’y consacrer un livre, La tentation olympique française, aux éditions France Empire. Il a répondu aux questions de FrancsJeux.
FrancsJeux: Pensez-vous que Paris doive se lancer l’an prochain dans l’aventure d’une candidature aux Jeux d’été en 2024?
Armand de Rendinger: Aujourd’hui, toutes les conditions ne me semblent pas réunies pour envisager une candidature qui ne soit pas seulement, pour reprendre une expression de la maire de Paris, Anne Hidalgo, une « candidature de témoignage ». Pour l’emporter, le projet parisien devra remplir plusieurs conditions: un dossier technique solide, un budget d’environ 4 à 5 milliards d’euros, et un consensus politique et sportif autour de la candidature. Sur le plan technique, je n’ai aucun doute. Sur plan économique, le coût des Jeux serait raisonnable dans un contexte français, à condition toutefois que l’idée d’investir dans le sport soit considérée d’un point de vue politique comme une priorité en temps de crise. Mais je suis plus dubitatif sur la capacité de la France à réunir un consensus sportif et politique qui n’éclate pas au moment de présenter la candidature.
En cas de candidature, la France aurait-elle une chance face à la concurrence étrangère?
Aujourd’hui, la France est en retard. Les Allemands ne se posent pas la question d’une candidature, ils hésitent seulement entre Berlin et Hambourg, en ayant déjà annoncé qu’ils visaient les Jeux de 2024 et 2028. Les Américains n’ont pas non plus choisi leur ville, mais ils iront pour gagner. Les Français, eux, en sont encore à se demander s’ils seront ou non candidats aux Jeux de 2024. Ils doivent dès maintenant se poser les bonnes questions, non pas pour y aller ou pas, mais pour l’emporter. A commencer par celle de la contribution de la France au mouvement olympique. Je trouve que ce pays ne donne pas assez. Il se présente aux Jeux d’été, mais ignore le reste: les Jeux de la Jeunesse, les sessions du CIO…
La France a-t-elle appris de ses échecs passés et corrigé le tir?
Les leçons auraient dû être tirées de l’échec de Paris 2012 beaucoup plus rapidement, ce qui aurait évité de donner l’image déplorable d’Annecy 2018. La France traîne encore comme un boulet ses échecs successifs. Mais, à l’inverse, je trouve très positive sa démarche de se doter d’une structure comme le CFSI ou de nommer un ambassadeur du sport, Jean Lévy. A condition, bien sûr, que ces initiatives soient pérennes et s’inscrivent dans la durée.
Quelle image renvoie aujourd’hui la France dans le mouvement sportif international, au CIO plus particulièrement?
L’image d’un pays doté d’une gouvernance du sport dichotomique, avec les politiques d’un côté et le mouvement sportif de l’autre. Deux entités souvent en désaccord. Du coup, l’image n’est pas toujours très claire. Un comité national olympique fort serait un atout pour une candidature française, comme il en existe au Brésil, en Allemagne ou en Italie.
L’absence d’un leader charismatique et incontestable avait été évoquée comme l’une des raisons de l’échec de Paris 2012. La France possède-t-elle aujourd’hui une ou plusieurs personnalités capables de mener le projet à la victoire?
Pour Paris 2012, Bertrand Delanoë, alors maire de la capitale, avait réussi à former un consensus politique et olympique, mais personne n’a pu ou voulu prendre la candidature à bras le corps. Aujourd’hui, Bernard Lapasset fait un excellent travail pour rendre la candidature viable. Il va rendre sa copie, elle sera solide. Mais une fois candidate, Paris aura besoin d’un commando mené par un leader, un commando seulement guidé par la victoire. Arrêtons les binômes ou les trinômes, cette candidature devra être portée par un ancien sportif jeune, issu de la nouvelle génération.
Ils ne sont pas légion…
C’est vrai. Mais Tony Estanguet peut être celui-là. A-t-il les compétences et l’envie de s’investir à fond pour réussir à faire travailler tout le monde dans le même sens? Je ne sais pas. Mais s’il est désigné pour porter la candidature, il faudra que les autres parties, CNOSF, Mairie de Paris, mouvement sportif, se rangent toutes derrière lui.