Thomas Bach peut se frotter les mains et se taper sur le ventre. A Monaco, le président du CIO n’a pas seulement fait adopter en une seule journée, avec une unanimité parfaite et sans accroc, les 40 propositions de son Agenda 2020. Il a surtout réussi une formidable opération de communication. Une tâche qui s’annonçait pourtant complexe dans un climat actuel marqué par une certaine hostilité, au moins en Europe occidentale, pour les Jeux, leur coût et leur gigantisme.
Meilleur exemple: la course aux Jeux de 2024. Avant de se réunir en session, au Grimaldi Forum de Monaco, le CIO avait laissé entendre qu’il assouplirait le processus de candidature, avec l’objectif de le rendre moins complexe et plus abordable. Ses membres ont tenu parole. La recommandation a été votée. Elle prévoit notamment une aide financière du CIO aux villes requérantes (elle serait limitée, sans doute autour d’un million d’euros).
Surtout, elle introduit une nouvelle étape, une phase dite « d’invitation », préalable au dépôt des dossiers de candidature. Les villes intéressées pourront y rencontrer une équipe d’experts du CIO, à Lausanne ou dans leur propre pays, pour discuter librement de leur projet et de leur concept. Ils pourront poser des questions. Des conseils leur seront donnés. « Mais il ne s’agira en aucune façon d’une évaluation », a précisé Thomas Bach en début d’après-midi, mardi 9 décembre, au terme des deux journées de session, indiquant que cette phase préalable pourrait débuter dès le 15 janvier 2015.
La donne a changé. Au moins dans sa chronologie. Pour le reste, il faudra sans doute attendre. Mais les potentiels candidats ont, sans grande surprise, presque tous réussi à décrypter dans ce nouveau processus des raisons de croire encore plus fort en leurs chances. Les Italiens veulent prendre de l’avance et annoncer, dès la mi-décembre, une candidature de Rome qui pourrait s’appuyer pour certains sports (aviron notamment) sur des sites éloignés. Aux Etats-Unis, Los Angeles se présente désormais comme un favori à la candidature américaine, et pour beaucoup d’observateurs à la candidature tout court, grâce à un dispositif où les installations des Jeux de 1984 seraient utilisées telles quelles, voire seulement rafraîchies. L’Afrique du Sud se dit, de son côté, que la réduction du coût des Jeux favorise certainement ses chances de se lancer dans l’aventure. A Monaco, il se raconte même que les changements opérés par le CIO auraient donné aux Pays-Bas et au Danemark l’idée d’une candidature commune.
Côté français, les clignotants sont au vert. Denis Masseglia, le président du CNOSF, explique: « Ce que nous avons entendu à Monaco, pendant la journée de lundi, nous conforte dans notre projet. La voie tracée par le CIO confirme les travaux que nous sommes en train de mener. Nous préparons un dossier qui se voudra responsable et innovant, deux qualificatifs qui vont dans le sens de l’équilibre recherché par le CIO ». Denis Masseglia va même plus loin, en avançant que le concept d’un vaste Parc olympique, jusque-là quasi obligatoire pour espérer l’emporter, pourrait ne plus être très tendance. « La compacité des sites ne sera plus aussi importante », suggère-t-il. A voir.
Plus formaliste, Guy Drut s’interroge déjà sur la possibilité de faire signer le contrat hôte non plus par la ville candidate, mais par le Grand Paris, la Région ou même l’Etat. « Une question très importante », avance-t-il. Une réponse positive pourrait permettre aux tenants du dossier parisien de contourner plus facilement l’obstacle actuellement constitué par Anne Hidalgo, la maire de Paris, encore réservée sur la candidature française.
Tony Estanguet, l’autre membre français du CIO, se veut plus neutre. « Je ne suis pas à Monaco pour faire du lobbying, mais pour mieux connaitre le CIO », prévient-il. Mais le triple champion olympique de canoë a fait, lui aussi, une candidature du nouveau processus de candidature résolument favorable à la France. « Le CIO a envoyé un signal fort, dit-il, un signal d’ouverture. La concurrence sera plus nombreuse. Il faudra être plus réactif, mais c’est sans doute bon pour nous. A condition, toutefois, de savoir se montrer les plus malins pour s’adapter à cette nouvelle donne. »
Ils sont nombreux, ce mardi 9 décembre, à penser très fort que leurs chances ont grimpé d’un cran pendant les deux journées de session. Américains, Français, Italiens, Sud-Africains, Allemands… Tous ont fait des résolutions du CIO une lecture très partisane. A l’arrivée, il n’y aura pourtant toujours qu’un seul vainqueur. Et, dans tous les cas, un gagnant incontestable: le CIO. Très fort.