Peu de gens connaissent le sport africain aussi bien que Lassana Palenfo. L’Ivoirien préside depuis 10 ans l’Association des comités nationaux olympiques africains (ACNOA). Il a également accompagné la création et le développement de l’Association francophone des comités olympiques (AFCNO). Membre honoraire du CIO, il porte un regard avisé sur la nouvelle donne du mouvement olympique après l’adoption des résolutions de l’Agenda 2020. Il a répondu aux questions de FrancsJeux sur une éventuelle candidature africaine aux Jeux de 2024… et sur les ambitions de Paris.
FrancsJeux: Quel changement peut-on attendre de l’Agenda 2020 sur les prochaines candidatures olympiques?
Lassana Palenfo: Cette nouvelle donne peut favoriser de nouvelles candidatures. En Afrique, notamment. A mon sens, l’Afrique du Sud doit se porter candidate à l’organisation des Jeux de 2024, même si ses chances de l’emporter seront modestes. Organiser les Jeux demande des moyens considérables, sur le plan financier bien sûr, mais également humain et logistique. Aujourd’hui, le continent n’a pas ces moyens. Mais nous devons y aller par étapes. Les Jeux du Commonwealth dans un premier temps, puis les Jeux olympiques de la Jeunesse. Et enfin, après avoir eu ces deux événements, tenter d’avoir les Jeux avec une chance réelle de victoire.
Une candidature de l’Afrique du Sud aux Jeux de 2024 serait donc prématurée?
Non. Elle doit y aller pour les Jeux de 2024. Mais elle doit y aller pour prendre date et se positionner.
L’Agenda 2020 est censé assouplir le processus de candidature, en alléger le coût et rendre les Jeux plus abordables. Avec une telle réforme, l’Afrique du Sud aurait-elle les moyens d’organiser les JO d’été?
Aujourd’hui, je ne pense pas. Accueillir plus de 10.000 athlètes et autant de journalistes n’est pas une mince affaire. Et le coût de la sécurité des Jeux reste colossal. Aux JO d’hiver de Turin, en 2006, les Italiens ont dépensé des milliards d’euros pour la sécurité.
La réussite de la Coupe du Monde de football en 2010 peut-elle aider l’Afrique du Sud dans son projet olympique?
Je ne suis pas sûr. La Coupe du Monde a été une réussite, c’est certain, mais elle a déçu la population sud-africaine. Les gens en attendaient beaucoup en termes de retombées économiques. Ils n’ont rien vu arriver. Il faut être honnête, le Mondial 2010 n’a pas apporté grand-chose aux Sud-Africains. On a construit des stades, mais ils ne servent pas beaucoup.
Quel rôle pourrait jouer le reste du continent africain dans une candidature de l’Afrique du Sud?
Il devra s’organiser pour aider l’Afrique du Sud dans son projet olympique. Pas seulement par son soutien, mais également de façon concrète, en investissant notamment dans le tourisme, avec la création de nouveaux hôtels. Il ne faut pas être candidat pour le plaisir, mais avec la volonté de gagner. Etre candidat en pensant à l’héritage, pour encourager les pays à se porter à leur tour, dans l’avenir, candidats à l’organisation de grands événements. L’Afrique doit s’organiser, dès maintenant, pour les candidatures futures.
L’Agenda 2020 peut-il favoriser une candidature de Paris aux Jeux de 2024?
Il va réduire le coût des Jeux, c’est certain. Donc, il favorisera tous les pays sensibles à cette question. La France en fait partie. Mais je suis persuadé qu’elle a la dimension et les moyens d’aller au bout.
Imaginons un scénario où la France et l’Afrique du Sud seraient candidates aux Jeux de 2024. Vers quel camp se porteraient les voix de l’Afrique francophone?
Il reviendra à chaque pays de décider. Pour les Jeux de 2012, nous avions tous voté pour Paris. Et je connais plusieurs pays d’Afrique anglophone qui en ont fait autant. Mais Paris a perdu.
A l’époque, l’Afrique ne présentait aucun candidat…
C’est vrai. Pour 2024, dans le cas d’une candidature de Paris et d’une de l’Afrique du Sud, les voix de l’Afrique francophone seraient sans doute partagées. Mais il reviendra aux candidats d’aller chercher les voix, en présentant un dossier attirant. Et, surtout, un dossier qui ait des chances de gagner. Les candidats, dont Paris, devront convaincre les votants de leurs chances de succès. Les gens n’ont pas envie de voter pour une ville en sachant qu’elle ne pourra pas l’emporter.