L’athlétisme européen aura bientôt un nouveau président. Le Suisse Hansjörg Wirz, en poste depuis 1999, quittera en avril prochain l’Association européenne (AEA). Il est atteint par la limite d’âge. Pour lui succéder, trois hommes mènent campagne: le Français Jean Gracia, actuel vice-président de l’institution, le Finlandais Antti Pihlakoski et le Norvégien Svein Arne Hansen. Le premier d’entre eux a adressé en fin de semaine passée son programme de candidat aux fédérations nationales. Il a répondu aux questions de FrancsJeux.
FrancsJeux: Pourquoi vouloir être président de l’Association européenne d’athlétisme?
Jean Gracia: Je possède aujourd’hui une grande expérience, puisque j’occupe différentes fonctions nationales ou internationales depuis 23 ans. Je me sens prêt à partager mon ambition pour l’athlétisme en Europe. Elles en ont besoin. Pendant ma campagne, j’ai pu aller à la rencontre des fédérations nationales, j’ai côtoyé leurs dirigeants et j’ai réalisé à quel point beaucoup d’entre elles étaient dans l’attente d’une aide plus grande de l’AEA.
Comment avez-vous mené votre campagne?
Je me suis décidé à me lancer dans cette aventure après les Mondiaux en plein air à Moscou en août 2013. Puis j’ai débuté ma campagne en février 2014. Ces douze derniers mois, j’ai visité 49 des 50 membres de l’AEA. Un tour d’Europe complet. Il me manque seulement San Marin. Je suis allé au contact des pays membres, j’ai pu échanger avec les fédérations nationales, partager mes idées, me faire mieux connaître. L’expérience a été riche et intéressante.
Dans quel état se trouve aujourd’hui l’athlétisme européen?
Il faut distinguer l’athlétisme européen et l’AEA, son institution. Cette dernière est en bonne santé financière. Mais elle ne soit pas s’endormir car ses seules ressources proviennent des droits de télévision et du marketing. Elle doit renforcer son secteur économiques et ses relations avec l’Union Européenne, qui peut être une source de revenus car nous avons des sujets communs, dont le sport santé, la lutte contre le dopage et la reconversion des athlètes. L’athlétisme européen, lui, se trouve dans une situation plus contrastée. Deux de ses pays, l’Arménie et la Moldavie, ne possèdent pas de stade avec une piste synthétique, deux autres risquent de le perdre, l’Albanie et Andorre. En ces temps de crise, les fédérations nationales sont nombreuses à rencontrer des difficultés financières. Elles perçoivent moins de soutien de la part des gouvernements.
Quels sont les grands axes de votre campagne?
Au sommet de la pyramide, l’athlétisme de haute compétition, nous devons réfléchir aux moyens de le faire évoluer pour intéresser les jeunes et redevenir un sport à la mode. La société change, notre athlétisme doit suivre le changement. Il est également impératif de faire évoluer notre calendrier, aujourd’hui beaucoup trop difficile à comprendre, y compris par les initiés. Je trouve aussi très important de travailler à une progression de l’athlétisme européen dans les secteurs où il se révèle faible par rapport au niveau mondial, particulièrement dans les courses.
Et pour la base de la pyramide?
L’athlétisme doit retrouver une meilleure place à l’école. C’est fondamental. Nous devons également mieux intégrer les coureurs hors stade. Ils sont des athlètes comme les autres. Enfin, il est primordial de travailler sur le sport santé. En participant activement aux programmes nationaux et européens de lutte contre l’obésité et le diabète, l’athlétisme peut se révéler un médicament peu coûteux et efficace.
Proposez-vous une modification des compétitions?
Oui. Une réflexion est en cours, à l’AEA, pour créer des épreuves de sélection aux championnats d’Europe. Aujourd’hui, le système est construit sur une grille de minima. Je suis favorable à la mise en place de « trials » dont les deux premiers de chaque épreuve, non seulement décrocheraient leur billet pour les championnats d’Europe, mais pourraient même dans certains disciplines, le sprint notamment, gagner un accès direct aux quarts ou aux demi-finales. Cette réforme pourrait être mise en place pour les championnats d’Europe à Berlin en 2018. Par ailleurs, je mène une réflexion sur les championnats européens des courses sur route. Pourquoi ne pas en organiser un spécifique pour le semi-marathon où se côtoieraient l’élite et la masse?
Que vous inspire les Jeux Européens, dont la première édition doit se tenir à Bakou en juin 2015? L’athlétisme y sera présent, mais avec une participation d’un niveau faible…
En effet. Lorsque nous avons rencontre l’Association des comités olympiques européens pour évoquer l’événement, l’AEA avait déjà signé son contrat avec l’Eurovision. Il n’était plus possible d’intégrer dans le calendrier une nouvelle compétition. Mais la porte n’est pas fermée. Nous allons suivre ces premiers Jeux Européens à Bakou, puis entamer des discussions sur la façon de les intégrer dans la saison. Mais il faudra rester prudent sur l’évolution du calendrier.
Comment se présente la concurrence, pour l’élection à la présidence de l’AEA?
Nous sommes trois candidats. Nous avons tous les trois une grande expérience. Le Finlandais Antti Pihlakoski a été président de sa fédération nationale. Le Norvégien Svein Arne Hansen l’est toujours. Mais il est le plus âgé. A 68 ans, il ne peut être élu que pour un seul mandat. Antti Pihlakoski et moi-même sommes plus jeunes. Nous ne serions pas atteints par la limite d’âge après un premier mandat.
La campagne pour la présidence de l’athlétisme européen se déroule en parallèle de celle pour la succession de Lamine Diack à la tête de l’IAAF. Les deux élections seront-elles liées?
Pas pour moi.L’élection à l’AEA se déroulera le 11 avril 2015. Jusqu’à cette date, il n’est pas question de mélanger les deux. Une fois l’élection à l’AEA passée, il sera toujours temps de prendre une éventuelle position pour l’un ou l’autre des deux candidats à l’IAAF, Sebastian Coe et Sergueï Bubka.
Le programme de Jean Gracia est accessible ici