Révolution ou épiphénomène? L’année même où Bakou doit recevoir en juin les premiers Jeux Européens de l’histoire, le Vieux Continent se dote d’un nouvel événement. Une invention au concept inédit et au nom volontairement très générique: les championnats sportifs européens. Leur première édition doit se dérouler en juillet/août 2018 à Glasgow et Berlin.
Le concept. Il peut sembler artificiel. Une fois tous les quatre ans, en milieu d’olympiade, plusieurs sports olympiques organiseront conjointement leurs championnats d’Europe respectifs, sous l’appellation commune de championnats sportifs européens. Pour la première édition, en 2018, ils seront cinq à essuyer les plâtres: aviron, cyclisme, athlétisme, natation et triathlon. Un sixième, le golf, devrait les rejoindre. Aviron, cyclisme, natation et triathlon se regrouperont à Glasgow, en Ecosse, sur les installations des derniers Jeux du Commonwealth. Le golf, s’il était rajouté, se déroulerait à Gleanagles, sur le parcours de la dernière Ryder Cup. L’athlétisme fera bande à part, à Berlin, dans le Stade olympique.
Chacune des fédérations, internationales ou européennes selon les cas, sera en charge de l’organisation de sa propre compétition. L’événement est chapeauté par une entité commune, European sports championships management, basée à Nyon, en Suisse. Une société derrière laquelle se cache notamment le Britannique Jon Ridgeon, vice-champion du monde du 110 m haies en 1987 à Rome.
L’intérêt. Il est avant tout médiatique. A peine sortis de terre, les championnats sportifs européens ont annoncé un partenariat avec l’EBU (European broadcasting union), pour une diffusion de l’édition 2018. Un accord qui pourrait booster considérablement la visibilité des rendez-vous européens de certaines disciplines, notamment le triathlon, le cyclisme et l’aviron.
Pour rappel, l’EBU regroupe la majorité des chaînes publiques européennes. Elle fournit en images 72 chaînes dans 56 pays. Elle a déjà annoncé 2.700 heures de programmation pour un événement censé durer 12 jours entre juillet et août 2018. L’EBU anticipe un marché de 850 millions de téléspectateurs potentiels. Une aubaine.
« Cette alliance a pour objectif d’accroître le prestige et l’exposition médiatique des différents événements », a assuré l’Association européenne d’athlétisme (AEA). « Cette programmation commune de nos championnats d’Europe avec ces autres sports phare, via l’EBU, est une opportunité pour notre sport, à un moment où nos audiences sont à la hausse d’année en année », a confirmé Jean-Christophe Rolland, le président de la Fédération internationale d’aviron (FISA). Selon l’AFP, qui cite une « source proche du dossier », les droits télévisés générés par ce « pool » de championnats d’Europe devraient dépasser la somme des droits acquis individuellement par chaque discipline lors de ses Euros.
Le risque. Sur le papier, la création des championnats sportifs européens semble une bonne idée. Elle permet d’assurer aux sports concernés une meilleure exposition. Elle peut également présenter l’avantage de multiplier les ventes de billets. Un spectateur ayant prévu de se rendre aux championnats d’Europe de natation, par exemple, pourra profiter du voyage pour assister en plus à une journée d’aviron ou une épreuve de triathlon. L’union fait la force, en somme.
Mais le risque est réel de voir ce nouveau venu vampiriser les Jeux Européens, dont la première édition doit se dérouler du 12 au 28 juin 2015 à Bakou, en Azerbaïdjan. Patrick Hickey, le président de l’Association européenne des comités olympiques (EOC), l’organisme de tutelle des Jeux Européens, n’y voit aucune menace. « Il s’agit d’une initiative complètement différente, avec moins de disciplines, moins de concurrents, et pas la même année », assure-t-il. Le dirigeant irlandais, par ailleurs membre du CIO, relève également que les Jeux Européens, en proposant dans un nombre grandissant de disciplines des quotas olympiques, resteront très attractifs pour les athlètes.
Sans doute. Mais que se passera-t-il si, le succès aidant, les fédérations décident d’organiser des championnats sportifs européens non pas tous les quatre ans, mais tous les deux ans? Et que deviendraient les Jeux Européens si le nouveau venu passait de 6 à 12, 15 ou 20 sports, avec une ville-hôte commune pour toutes les disciplines? De la réponse à ces questions pourrait dépendre l’avenir, à moyen terme, des deux nouveaux événements de la veille Europe.