Le sport et la paix ont été à l’honneur, lundi 6 avril, un peu partout dans le monde. Depuis 2013, l’assemblée générale des Nations Unies déclare le lundi pascal « Journée internationale du sport au service du développement et de la paix. » Pour en parler, FrancsJeux a interrogé la Kényane Tegla Loroupe, victorieuse du Marathon de New York en 1994 et 1995, membre du club des Champions de la Paix de l’organisation Peace and Sport. Un témoignage recueilli alors que son pays, le Kenya, vient d’être frappé par la plus tragique attaque terroriste de son histoire.
FrancsJeux: Comment se matérialise au quotidien votre engagement pour le développement de la paix par le sport?
Tegla Loroupe: Au plan international, je fais partie des Champions de la Paix de Peace and Sport. Au Kenya, j’ai ma propre fondation, qui essaye d’utiliser le sport pour rassembler des populations touchées pendant une longue période par les conflits. Nous travaillons aussi sur l’éducation des jeunes, car nous connaissons les ravages que peuvent faire les guerres sur la jeunesse. Beaucoup d’entre elles pourraient être évitées si les jeunes étaient mieux éduqués. Nous gérons une école de 300 enfants, où nous mettons le sport en avant pour leur expliquer comment vivre en paix et protéger leur environnement.
Dans un continent comme l’Afrique, la tâche semble immense…
C’est vrai. Mais je sais que si vous pouvez sauver une seule personne qui porte un fusil, alors vous êtes capables d’en sauver beaucoup d’autres. Aujourd’hui, au Kenya, vous voyons tous les jours un millier de jeunes qui viennent vers nous et me rendent leurs armes. Nous pouvons ainsi les aider à éviter la prison et à se remettre dans le droit chemin. Il ne faut jamais oublier qu’en aidant une personne, vous pouvez avoir une grande influence sur ses proches et son environnement.
Les institutions sportives internationales accompagnent-elles votre action en faveur de la paix?
Oui. L’IAAF et le CIO m’ont soutenue. La première entretient une classe, dans notre école, où nous recueillons les enfants de la guerre. Le CIO m’aide également d’une façon comparable.
La charte olympique prévoit un arrêt des conflits pendant les Jeux. Mais est-ce suffisant?
Non, bien sûr. Tout le monde aime les Jeux. Ils sont synonymes de paix. Mais une fois terminés, tout recommence. Il faut aller plus loin, parler de la paix par le sport tout au long de l’année, amener les athlètes sur les zones de conflit et faire comprendre aux hommes politiques que nous avons besoin de la paix. Ils ne doivent plus utiliser le sport pour servir leurs intérêts.
Vous-mêmes, avez-vous été une victime de la guerre?
Oui. Je viens d’une région qui a été frappée par les conflits. J’ai perdu des membres de ma famille, tués lors de la guerre entre le Kenya et l’Ouganda. Aussi, quand je me rends sur une zone de guerre, je peux influencer les jeunes. Je n’ai jamais craint de m’y rendre. Et je continuerai à le faire. Mais une seule personne ne peut pas faire une grande différence. Nous avons besoin d’être aidés et soutenus, par un plus grand nombre d’athlètes, avec plus de moyens financiers et humains. Nous avons aussi besoin des médias pour parler de ce qui se passe en Afrique.
Votre fondation vous coûte de l’argent?
J’en ai financé moi-même la création, les premières années, avec l’argent que j’avais gagné pendant ma carrière d’athlète. Puis j’ai été aidée par des gens venus d’un peu partout dans le monde.
A 41 ans, continuez-vous à courir?
Quand j’en ai le temps, oui, je cours encore. Je vais d’ailleurs disputer un marathon en Allemagne, au mois de septembre. Avant cela, je vais participer à une course sur route en relais. Mon dernier marathon remonte à deux ans. Je m’en étais plutôt bien sortie.