Personne n’aurait l’idée d’en douter: Sepp Blatter est doté de toutes les qualités d’un véritable animal politique. Mais concernant la diplomatie, son savoir-faire reste très perfectible. Parti en « mission de paix, selon sa propre expression, en Israël et en Palestine, le président de la FIFA se voyait bien réussir un coup magistral. Un match entre les deux sélections. Et même, qui sait, une forme de compromis. Mais il a échoué, dans les grandes largeurs.
Tout avait pourtant plutôt bien commencé pour le dirigeant suisse. Mardi, Sepp Blatter est ressorti en bombant le torse, avec sa mine des grands jours, de son entrevue avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. En conférence de presse, il a annoncé avoir convaincu son interlocuteur de donner son feu vert à l’organisation d’un match de football hautement symbolique entre les sélections israélienne et palestinienne. Une rencontre qui pourrait, a suggéré Sepp Blatter, se disputer en Suisse, à Zurich. Fier comme un nouveau diplômé, le président de la FIFA a même précisé que Benjamin Netanyahu l’avait assuré de sa présence dans la tribune du stade. Pas mal.
Le lendemain, direction Ramallah, en territoire palestinien. Au menu, une rencontre avec Mahmoud Abbas. Copieux. Le président de la FIFA espérait emballer l’affaire en jouant sur la « diplomatie du football », les valeurs du sport et la passion universelle pour le ballon rond. Que dalle. Sepp Blatter n’a pas réussi à convaincre les Palestiniens. Ils ont non seulement refusé, poliment mais avec fermeté, de participer à un match contre Israël. Mais, en prime, ils ont expliqué vouloir toujours soumettre au vote du Congrès de la FIFA, la semaine prochaine, la suspension de la fédération israélienne.
Sur ce dernier point, le président de la Fédération palestinienne de football, Jibril Rajoub, a précisé: «Nous maintenons cette proposition à l’agenda en vue de discussions sincères et ouvertes entre les associations membres de la FIFA. Il n’y aura pas de compromis sur la liberté de nos athlètes et de nos responsables» ou des équipements destinés au football palestinien.
Quant au projet d’un match entre Israël et la Palestine, le dirigeant palestinien l’a balayé d’un même geste, certes plein d’élégance, mais tout aussi ferme. « C’est une idée que j’aime et que je soutiens, et j’aimerais que nous puissions le faire dès demain, a expliqué Jibril Rajoub. Mais il faut préparer le terrain pour ça, il faut préparer l’environnement, et cela ne peut arriver qu’en bout de course. »
Pour Sepp Blatter, l’échec est cinglant. Le président de la FIFA avait fait de son voyage au Proche-Orient un axe fort de sa campagne. Il l’avait programmé une semaine avant l’élection à la présidence du football mondial, un calendrier qui n’avait trompé personne sur les intentions du Suisse. En ramenant un « match de la paix » dans ses valises, il aurait pu rouler des mécaniques et se donner des airs de chef d’état. En rentrant à Zurich les poches vides, il s’expose aux questions, voire au dédain, de ses opposants.
Sepp Blatter avoue pourtant ne pas avoir dit son dernier mot: « Je suis en mission de paix, et cette mission de paix ne s’arrête pas maintenant, elle continue », a-t-il fanfaronné avant de quitter le Proche-Orient. A voir.