Désespérant. Et surtout terriblement inquiétant. Confronté à la plus spectaculaire affaire de corruption de son histoire, montré du doigt par la terre entière, le monde du football a choisi de ne rien changer à sa gouvernance. Les 209 membres de la FIFA, réunis depuis la veille à Zurich pour leur 65ème Congrès, ont réélu le Suisse Sepp Blatter, 79 ans, pour un cinquième mandat. Une façon de signifier que, malgré les enquêtes judiciaires, la menace de séisme et le départ probable de certains sponsors, le système les nourrissait trop bien pour qu’ils envisagent d’en changer.
Certes, la victoire de Sepp Blatter s’est révélée un peu plus ardue qu’annoncé. Normal, dans un tel contexte de crise, sans être tout à fait rassurant. Le Suisse a été poussé au second tour par son jeune (trop?) rival, le Jordanien Ali bin Al Hussein, son cadet de… 40 ans. Sur les 209 bulletins distribués aux représentants des fédérations nationales, 206 ont été jugés valables à l’issue du premier tour. Sepp Blatter en a recueilli 133, le Prince Ali 73. Selon les statuts de la FIFA, il en faut les deux tiers à un candidat pour décrocher le pompon, soit 140 voix. Caramba, raté de peu.
Un deuxième tour a été convoqué, dénouement d’une journée à peine moins rocambolesque que les deux précédentes. Un jour d’élection pas tout à fait comme les autres, où l’un des épisodes les plus improbables a été une alerte à la bombe à la salle du Congrès, pendant la pause du déjeuner. Un incident qui a fait suite à l’intrusion parmi les délégués, dans la matinée, de deux militantes pro-palestiniennes appelant à l’exclusion d’Israël.
Avec un écart de 60 voix entre les deux postulants, le second tour s’annonçait comme une formalité. Il n’a même pas eu lieu. Le Prince Ali s’est retiré du scrutin, convaincu ne plus rien avoir à y gagner. Sepp Blatter a rajusté sa cravate et remis sa couronne en place. Il en reprend pour 4 ans. Et, sombre perspective, le football mondial aussi. Le Suisse tient la maison FIFA depuis tellement longtemps qu’il semble ne plus craindre d’en égarer les clefs. Président depuis le mois de juin 1998, il en avait d’abord été secrétaire général à partir de l’année 1981. A l’époque, le Prince Ali de Jordanie n’était encore qu’un enfant.
Sa victoire en poche, Sepp Blatter a osé un discours dont lui seul est capable, pour le moins surréaliste. Il a promis de donner à son successeur « une FIFA plus forte ». Un moindre mal, au vu de l’état de l’édifice. Il a félicité son adversaire, avant de lui exprimer sa « gratitude ». Le Suisse s’est même laissé tenter par un trait d’humour: « Je suis de bonne humeur, c’est normal, j’étais un peu nerveux avant ce Congrès. » Très fort. La crise demeure, mais le grand ménage n’a pas eu lieu. Pas sûr qu’il se fasse un jour.