Le Burundi s’est installé dans la violence et la peur. La décision au printemps dernier du président sortant, Pierre Nkurunziza, de briguer au mépris de la constitution un troisième mandat, a basculé le pays dans une crise politique aux conséquences encore incertaines. Avec quel impact sur le sport et sur les meilleurs sportifs burundais? Les explications de Tharcisse Harerimana, le directeur des programmes du comité national olympique du Burundi (membre de l’AFCNO), à moins de deux semaines de l’ouverture des Jeux Africains 2015 à Brazzaville.
FrancsJeux: Quelle est actuellement la situation des athlètes des équipes nationales au Burundi?
Tharcisse Harerimana: Elle est évidemment très difficile. Les athlètes encore présents au Burundi rencontrent des difficultés quotidiennes pour s’entraîner. Nous avons un problème d’encadrement, à cause de l’insécurité qui règne à Bujumbura, la capitale. Et le calendrier scolaire a été décalé en raison des événements. Heureusement, un grand nombre de nos meilleurs athlètes s’entraîne à l’étranger. Cinq membres de l’équipe d’athlétisme se préparent en Espagne, Italie, Etats-Unis et Kenya. Les joueurs de tennis ont pu partir aux Etats-Unis, en Italie et en Espagne, grâce à l’aide de la Solidarité olympique et de la Fédération internationale de tennis. Les joueurs de beach volley, une jeune équipe parmi les plus prometteuses du continent, se préparent encore à Bujumbura, mais ils peuvent si besoin rejoindre Kigali au Rwanda, ou Kampala en Ouganda.
Quel soutien avez-vous reçu du CIO depuis le début de cette difficile période?
Le CIO nous soutient depuis toujours, grâce à trois programmes de solidarité, qui concernent une vingtaine d’athlètes, en tennis, judo, cyclisme, athlétisme et beach volley. Au début de la crise, après les premières violences dans la capitale, nous avons mis en place avec le CIO un plan B. Il prévoit, dans le cadre de l’aide financière apportée par la Solidarité olympique, d’envoyer nos athlètes en préparation des Jeux s’installer à Kigali et Kampala.
Le fonctionnement du comité national olympique a-t-il affecté par les événements?
Oui. Nous avons été coupés du monde, par une faillite de notre réseau internet. Au début des violences, il nous a fallu du temps pour nous organiser, tout simplement pour continuer à aller au bureau. A Bujumbura, les gens quittent leur travail à 17 h et rentrent directement chez eux, pour ne plus en sortir. Un peu partout, on entend le bruit des grenades.
Avez-vous été capables d’envoyer une équipe aux Mondiaux d’athlétisme à Pékin?
Nous avons deux athlètes à Pékin. Célestin Nihorimbere, qui a pris la 26ème place du marathon, samedi dernier. Et Antoine Gakeme, demi-finaliste du 800 m. Le premier s’entraîne en Italie, le second en Espagne. Ils n’ont pas été affectés directement par les événements, mais comme tous les athlètes de l’étranger, ils sont très inquiets de la situation de leur famille.
Comment se présentent, pour l’équipe du Burundi, les Jeux Africains 2015 qui doivent débuter le 4 septembre à Brazzaville?
Les Jeux représentent pour nous un sérieux problème. A ce jour, nous n’avons pas les moyens financiers d’y envoyer une délégation complète, comme nous l’avions prévu avant le déclenchement de la crise. Il faut savoir que cet événement ne dépend pas de l’ACNOA, l’Association des comités olympiques africains, mais de l’Union africaine, c’est à dire des gouvernements. Or, aujourd’hui, le ministère n’a pas débloqué l’argent nécessaire à envoyer une équipe complète, payer son transport et son séjour. Ces Jeux Africains interviennent dans une période de transition pour nous, avec l’arrivée prochaine d’un nouveau gouvernement, pour lequel le sport n’est sans doute pas la priorité. Nous y serons, mais avec une sélection très réduite.
Le CIO ne peut-il pas se substituer à l’état pour financer votre participation?
Non. Les Jeux Africains ne dépendant pas de l’ACNOA, mais de l’Union africain. La Solidarité olympique n’est donc pas censée intervenir.
Ce contretemps peut-il compromettre la participation du Burundi aux Jeux de Rio?
Dans une certaine mesure, oui. En athlétisme, par exemple, nous avons déjà trois athlètes qualifiés aux Jeux de 2016. Nous espérions en avoir d’autres, surtout des jeunes, qui auraient pu profiter des Jeux Africains pour réaliser les minimas olympiques. Mais ils n’auront pas l’opportunité de courir. Il nous faudra trouver pour eux des meetings européens, à partir du mois d’avril prochain, qui veuillent bien les prendre. Avec nos moyens, ça s’annonce difficile.