Sale affaire . Marcel Aubut, le président du Comité olympique canadien (COC), a rendu les clefs de son bureau, samedi 3 octobre 2015. Le charismatique Québécois, qui fait l’objet d’allégations de « harcèlement sexuel », a donné sa démission. Il l’a annoncé lui-même, via un communiqué de presse, expliquant que « la situation actuelle constitue une distraction majeure qui fait perdre de vue les véritables objectifs du COC, spécialement à la veille des Jeux de Rio. » Une démission acceptée par le COC. Elu à tête du mouvement olympique canadien en avril 2010, Marcel Aubut pourrait bien ne plus jamais y siéger.
Paradoxe: le dirigeant canadien est contraint de prendre la porte au moment où son actualité olympique n’a jamais été aussi riche. Le 9 juillet dernier, Marcel Aubut recevait Thomas Bach à Montréal pour la cérémonie d’inauguration du nouveau siège du COC. Pour l’occasion, les anneaux du CIO étaient installés, mesure rarissime, au somment de l’immeuble. Quelques semaines plus tard, il se posait en porteur du projet de Toronto pour les Jeux de 2024, un dossier longtemps annoncé comme très probable, avant d’être abandonné par le maire de la ville, John Tory.
Point de départ de l’affaire, les révélations d’une avocate canadienne, Amelia Salehabadi-Fouques, spécialisée dans les affaires sportives et membre du Conseil de la Fédération nationale de football. En fin de semaine passée, elle a assuré avoir été sexuellement harassée à trois reprises par Marcel Aubut depuis leur première rencontre, quatre ans en arrière.
Sur le moment, le COC a annoncé avoir ouvert une enquête interne. Il a été alors demandé à Marcel Aubut de prendre du recul, pour quelques semaines, le temps de faire avancer l’enquête, confiée à un ancien juge de la Cour Supérieure de Justice du Québec.
Mais, sans grande surprise, l’affaire a rapidement pris de l’ampleur. Deux autres plaignantes ont confirmé les allégations d’Amelia Salehabadi-Fouques, assurant avoir elles aussi été victimes d’avances de la part de Marcel Aubut. Leurs allégations n’ont pas été prouvées, mais elles ont conduit le COC à ouvrir une deuxième enquête. « Nous n’avons pas désigné l’enquêteur qui sera en charge de cette deuxième enquête, a expliqué le porte-parole du COC, Ricky Landry. Mais nous avons lancé un mécanisme afin d’élargir l’enquête et de comprendre ce qui se passe et ce qui s’est passé. On ne veut pas seulement comprendre cette plainte-là, mais mettre en place un processus qui permettra à n’importe qui de porter plainte – que ce soit en lien avec M. Aubut ou non. Cette démarche-là va se poursuivre. »
Dans son communiqué, Marcel Aubut a déploré que des gens lui « prêtent des intentions qui n’ont jamais été les [siennes] ». Il a reconnu qu’il avait une personnalité « expansive » et « démonstrative », mais assure qu’il n’a jamais eu l’intention « d’offenser ou d’indisposer quiconque ». Il ajoute: « Je profite de l’occasion pour m’excuser sincèrement auprès des gens que mon comportement aurait offusqués. Je suis conscient que, parfois, mon attitude a pu être perçue comme discutable auprès de certaines personnes de la gent féminine et avoir entraîné un sentiment de malaise. Je le réalise. Et je vais m’ajuster. »
Au Canada, l’affaire fait grand bruit. A 67 ans, Marcel Aubut compte parmi les dirigeants sportifs les plus connus, et jusque-là respectés, du pays. Ancien président des Nordiques de Montréal, une équipe de NHL, il était membre du comité olympique canadien depuis 2000.
Parmi les réactions les plus attendues, celles de Jean-Luc Brassard, champion olympique de bosses aux Jeux d’hiver en 1994, désigné chef de mission aux Jeux de Rio en 2016. « Ce qui m’a le plus surpris, c’est de savoir que tout le monde était au fait de ça depuis une quarantaine d’années – depuis l’époque des Nordiques -, mais qu’aucun journaliste n’ait réagi, a suggéré Jean-Luc Brassard. Personnellement, j’ai eu une relation des plus cordiales avec Marcel, malgré son caractère parfois spécial. »
L’intérim à la tête du COC est assuré depuis dimanche par Tricia Smith, la vice-présidente. La médaillée olympique en aviron, candidate en 2013 à la présidence de la FISA, pourrait briguer la succession de Marcel Aubut. Une ambition qui serait partagée, selon la presse canadienne, par Peter Lawless.