La révolution est en marche dans la boxe. Sous l’impulsion de son président, CK Wu, l’AIBA a lancé en début d’année son propre circuit professionnel, l’APB (AIBA Pro Boxing). Avec un objectif: offrir aux meilleurs boxeurs l’opportunité de passer professionnels tout en conservant leurs chances de disputer les Jeux olympiques. En clair, les garder dans l’univers de l’AIBA, sans les voir voler de leurs propres ailes dans la nébuleuse des fédérations professionnelles (WBA, WBC, IBF…). A la tête de la commission de l’APB, le Français Brahim Asloum, champion olympique en 2000 à Sydney. Présent à Doha à l’occasion des championnats du monde 2015, il a expliqué à FrancsJeux les perspectives et les enjeux de l’APB.
FrancsJeux: Sept mois après ses premiers combats, où en est aujourd’hui l’APB?
Brahim Asloum: Nous avons identifié nos dix champions du monde, un par catégorie. Une étape qui nous permet d’exposer l’APB. Le train est lancé. Nous avons embarqué tout le monde. Il avance à 300 km/h. La création de l’APB constitue une étape historique, la première véritable réforme de la boxe depuis 1870.
Cette étape avait été très mal accueillie par les fédérations professionnelles…
Bien sûr. Leur réaction était logique, elles se sentent menacées. Mais qu’ont-elles fait, depuis toutes ces années, pour la boxe et les boxeurs? Rien. Elles n’ont pas réalisé le moindre investissement. Ces fédérations sont purement commerciales, elles n’ont rien proposé de neuf depuis des dizaines d’années. La formation des boxeurs, leur apprentissage, leur accès au plus haut niveau, tout cela est géré par les fédérations nationales membres de l’AIBA. Elles dépensent beaucoup pour cela, mais sans avoir le moindre retour sur investissement une fois que leurs meilleurs boxeurs passent dans les rangs pros. Avec l’APB, elles auront la possibilité de bénéficier de la redistribution des revenus générés par les compétitions, mais sans que cet argent soit pris dans la bourse des athlètes.
Pour un boxeur tenté par le professionnalisme, quels avantages peut offrir l’APB?
L’APB gomme toutes les imperfections de la boxe pro traditionnelle: la présence des promoteurs, l’absence de plan de carrière, les combats sans crédibilité sportive… Cette organisation assure à ses athlètes un nombre garanti de combats, des précautions et un suivi, il est placé au centre du dispositif. Et, cerise sur le gâteau, il peut tous les 4 ans se battre pour un titre olympique. J’ai été champion olympique et champion du monde, je peux évoquer la différence en connaissance de cause. Ma médaille d’or aux Jeux a touché toute une nation, mon titre olympique a intéressé seulement mon milieu. Une fois chez les pros, le boxeur est livré à lui-même, il est seul, sans assurance sur son avenir. Il peut tomber de très haut. L’APB lui offre un plan de carrière et une sécurité.
Et l’argent? L’APB pourra-t-elle en proposer autant que les grosses fédérations professionnelles?
L’argent dans la boxe pro est un leurre. Aujourd’hui, seulement cinq boxeurs dans le monde en gagnent énormément. Mais je connais des champions du monde mexicains et vénézuéliens qui en ont à peine assez pour vivre.
La plupart des chaînes de télévision boudent aujourd’hui la boxe. L’APB les fera-t-elle revenir?
Elles reviendront, oui, car elles pourront acquérir des droits. L’AIBA est en train de faire de l’APB un véritable produit, porté par une stratégie marketing, avec la certitude pour les chaînes de pouvoir diffuser des championnats continentaux, puis des championnats du monde. Tout cela ne se fera pas d’un coup, il nous faudra du temps. Mais nous y arriverons. Aujourd’hui, cette réforme perturbe seulement les anciens. La jeune génération s’y fera.
Quelle sera la prochaine étape?
Les Jeux de Rio en 2016. Pour la première fois de l’histoire, le public verra évoluer des boxeurs professionnels, membres de l’APB et pourtant encore aux Jeux olympiques. Ces JO vont amener sur l’APB un coup de projecteur. Ils seront décisifs dans l’évolution de l’APB, de l’AIBA et de la boxe toute entière. Ils vont aussi rassurer les télévisions, les parents et les fédérations.