Radical changement de rythme. Après l’homme politique Jean-Pierre Raffarin (Pékin 2008), puis l’académicienne Hélène Carrère d’Encausse (Sotchi 2014), le bâton de Grand témoin de la Francophonie aux Jeux olympiques a été transmis à Manu Dibango. Le chanteur et musicien camerounais (notre photo) a été choisi pour assurer ce rôle l’an prochain à Rio par la Canadienne Michaëlle Jean, la Secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Un choix audacieux. Un virage imprévu.
Le Camerounais a débuté sa mission le mois dernier, par un premier voyage « officiel » au Brésil, marqué notamment par la signature d’une convention avec l’équipe de Rio 2016 sur la place du français aux prochains Jeux d’été. Il est revenu, pour FrancsJeux, sur les temps forts et les promesses de ce périple en terrain olympique.
FrancsJeux: Quel accueil avez-vous reçu des organisateurs des Jeux de Rio à l’occasion de votre première visite au Brésil comme Grand témoin de la Francophonie?
Manu Dibango: J’ai ressenti de la curiosité de part et d’autre. Et une grande envie, au moins dans les paroles, de jouer le jeu en faisant le maximum pour assurer la place du français aux Jeux olympiques et paralympiques en 2016. J’ai eu l’occasion de dîner avec Carlos Nuzman, le président de Rio 2016. Un amoureux de la langue française, parfaitement francophone. Nous avons également eu l’opportunité de rencontrer le directeur de l’antenne de l’Agence Universitaire de la Francophonie pour l’Amérique latine. J’ai pu ainsi découvrir qu’il existait 35 universités membres de l’AUF dans tout le pays, et entre 60 et 70.000 personnes qui aiment et parlent la langue française. Dans une région du monde autant dominée par la culture et la langue hispaniques, une telle présence est impressionnante.
Peut-on déjà en conclure que la langue française sera parfaitement représentée aux Jeux de Rio, en accord avec les règles du CIO?
Attendons de voir les actes et les résultats concrets, mais l’intention est manifeste. Le président des universités brésiliennes nous a annoncé qu’il allait envoyer des étudiants francophones pendant les Jeux pour servir de volontaires. Nous-mêmes, à l’OIF, nous allons aider les organisateurs brésiliens à assurer leur mission linguistique en dépêchant une équipe de traducteurs et interprètes. Les documents seront disponibles en français. Mon rôle n’est pas de jouer les gendarmes, mais plutôt de veiller à la diversité du français aux Jeux. Je veux que les athlètes puissent exprimer pleinement leur talent sur le terrain, sans être perturbés par des contraintes de langue et de compréhension.
Quelle impression vous a laissé Rio à moins de neuf mois du début des Jeux?
Les Brésiliens ne sont pas en avance, ils le savent, mais ils ne reculent pas et travaillent 24 heures sur 24. On sent que les choses accélèrent, sur les routes, dans la construction des hôtels. J’ai senti un savoir-faire dans la préparation de l’événement, un savoir-faire encore tout frais puisqu’il est hérité de la Coupe du Monde de football en 2014. Mais, naturellement, les Brésiliens nous ont surtout montré ce qui était prêt ou sur le point de l’être.
Comment se présente la suite de votre mission de Grand témoin de la Francophonie aux Jeux?
Je dois normalement retourner au Brésil en mars 2016, à l’occasion de la Journée internationale de la Francophonie. Je vais y jouer en préambule de cette journée, à Rio de Janeiro. Nous voulons faire chanter des jeunes Brésiliens sur les morceaux de Brel et Brassens. Ma mission olympique n’est pas seulement sportive, elle comporte aussi une approche culturelle. Je suis avant tout un artiste. Nous voulons profiter des Jeux de 2016 pour présenter aux Brésiliens et au reste du monde la diversité de la langue française, avec des choses peu connues, comme la lutte sénégalaise ou la chanson lyrique. Pendant les Jeux, je serai surtout là pour vérifier tous les boulons, mais avec la volonté de profiter de cet événement pour confronter la diversité des pays de langue française et la diversité ethnique et culturelle du Brésil.