Le CIO l’a écrit en lettres d’or dans son Agenda 2020. Thomas Bach le répète sur tous les tons, et dans les nombreuses langues qu’il maîtrise. Les Jeux olympiques doivent laisser un héritage, dans la ville et même le pays organisateur. Un héritage visible, durable et, tant qu’à faire, le plus largement réparti. A Rio de Janeiro, où le mouvement olympique installera son décor en août prochain, il n’est pas certain que le message ait été parfaitement entendu.
Une étude menée par un expert en planification urbaine, l’universitaire brésilien Orlando Santos Jr., jette un sérieux doute sur l’impact que les JO de 2016 laisseront sur les 12 millions d’habitants de la mégalopole. Son rapport détaille, sur 190 pages, le sacro-saint héritage de la quinzaine olympique. Et il pose questions.
Orlando Santo Jr. l’a expliqué à Associated Press: « Les Jeux ne profiteront pas à tout le monde. A Rio, aujourd’hui, l’écart se creuse régulièrement entre les plus riches et les plus pauvres. Les JO de 2016 vont encore accentuer l’écart. Les riches en seront les premiers bénéficiaires. Les pauvres ne verront pas leurs effets. »
Le constat est sans nuance. Le rapport en question non plus, intitulé « Rio 2016: les Jeux de l’exclusion ». Mais le travail mené par le chercheur brésilien apporte suffisamment d’éléments concrets pour être pris au sérieux. Les autorités municipales l’ont évidemment contesté, expliquant notamment que les Jeux seront financés à « seulement » 43% par les dépenses publiques, qu’il auront permis de moderniser le réseau de transport et d’améliorer l’habitat, la santé et l’éducation. Il n’empêche, les faits laissent perplexe.
Selon le rapport brésilien, pas moins de 22.059 familles de Rio ont été délogées entre 2009 et 2015 pour permettre la construction ou l’accès des sites olympiques. En tout, une population de plus de 77.000 personnes. A Barra da Tijuca, le quartier du Parc olympique, le prix de l’immobilier a flambé au cours des dernières années, l’inflation atteignant dans certains cas près de 200%.
Sur le plan sportif, l’héritage des Jeux semble encore incertain. L’athlétisme, notamment, compte déjà son lot de déçus. La principale piste d’athlétisme de Rio de Janeiro n’est plus utilisable depuis deux ans, son stade ayant été fermé. Il ne devrait pas rouvrir avant les JO de 2016. Quant à la piste la plus centrale de la ville, elle est aujourd’hui utilisée comme parking.
Dans son enquête, Orlando Santos Jr. conteste les chiffres donnés par les autorités brésiliennes sur les dépenses olympiques. Officiellement, le budget des Jeux de Rio est financé à 57% par le secteur privé. « Faux », répond le chercheur. Données à l’appui, il explique que les autorités ont sciemment omis d’intégrer dans leurs comptes certaines dépenses pourtant directement liées aux Jeux. Le rapport en conclu que la part du privé dans le budget olympique atteint en réalité seulement 38%, soit à peine un gros tiers.
Quant à la promesse des organisateurs brésiliens de distribuer un peu plus d’un million de billets pour les Jeux aux écoles et aux enfants les plus nécessiteux, elle n’aurait jamais été tenue. « Les Jeux de l’exclusion », martèle Orlando Santos Jr. Décevant.