Les Français veulent-ils des Jeux d’été en 2024? Les sondages répondent plutôt par l’affirmative. Mais qu’en est-il sur le terrain, parmi la population, dans les villes et les quartiers les plus concernés par le dispositif olympique? L’équipe de Paris 2024 en a eu un aperçu, dans la soirée du jeudi 4 février, en quittant ses bureaux de la capitale pour sa première réunion publique depuis le début de campagne de candidature. Un exercice souvent périlleux. Mais, en même temps, une approche directe de la réalité du terrain.
Le lieu: la Maison de la citoyenneté à la Courneuve, banlieue austère de la Seine-Saint-Denis, à une poignée de kilomètres du Stade de France et du site choisi pour le village des athlètes. Assis face au public, Bernard Lapasset et Etienne Thobois, respectivement président et directeur général de Paris 2024. Les deux hommes sont encadrés par le maire de la ville, le communiste Gilles Poux, le président du Conseil département de Seine-Saint-Denis, le socialiste Stéphane Troussel, et par Marie-George Buffet, l’ancienne ministre des Sports. Dans l’assistance, une bonne centaine de personnes. La salle est pleine, très attentive.
Bernard Lapasset ouvre le débat. Il raconte le pourquoi et le comment de la candidature parisienne. Et, surprise, révèle que l’idée de se lancer dans la course aux Jeux lui aurait été soufflée la première fois par David Douillet, le champion olympique de judo, ex ministre des Sports, aujourd’hui député Les Républicains. Le discours se veut engageant. Il appelle à la mobilisation. « Nous avons besoin de vous », lâche Bernard Lapasset à l’adresse du public. Dans la salle, on écoute sagement.
Après Bernard Lapasset, au tour d’Etienne Thobois de prendre le micro. Le directeur général de la candidature s’improvise en pédagogue du dossier parisien. Il explique, détaille, décrypte et analyse. Sur l’écran géant, les chiffres défilent, les cartes se succèdent. Académique mais un rien complexe pour une assistance peu initiée aux arcanes du mouvement sportif international. « Ce qui nous intéresse, à la Courneuve, c’est de savoir ce que les Jeux vont nous apporter », glisse à son voisin un habitant assis dans les rangs du fond. La carte des sites proposés apporte un début de réponse, pas complètement satisfaisante: une seule discipline est prévue sur la commune, le water-polo, à la piscine de Marville. Pas forcément le sport le plus pratiqué et le plus suivi du coin.
A l’heure des questions, la salle s’est vidée à moitié, mais les présents se disputent le micro. « Nous sommes un peu frustrés d’avoir été aussi peu impliqués, les citoyens et le mouvement sportif », attaque un premier intervenant. « Est-il envisagé que nous profitions des Jeux de 2024 pour faire construire dans la commune une salle pérenne de 8.000 places », interroge un autre. « Les Jeux, ça se mérite, mais depuis des années les bénévoles des associations sportives sont délaissés », s’emporte un troisième. Il enchaîne: « Comment comptez-vous garantir qu’il n’y aura aucun dépassement des coûts? Et comment allez-vous faire rêver les gens? Aujourd’hui, on peut se demander si les gens rêvent encore des Jeux olympiques avec l’image du sport qu’ils voient à la télévision, entre le dopage et les affaires. »
Bernard Lapasset et Etienne Thobois ne refusent pas l’obstacle. Ils répondent. A tous. Le premier explique qu’une loi olympique sera bientôt promulguée pour permettre à l’équipe de candidature de faire mieux participer les écoles et les associations au projet olympique. Le second révèle, non sans surprise, réfléchir à la création au sein de Paris 2024 d’un « comité des rêves ». Dans la salle, l’idée laisse perplexe.
Le débat s’enlise un peu, mais Marie-George Buffet sort de son silence. Enfin. L’ancienne ministre des Sports hausse le ton pour évoquer la « joie intense » des Jeux olympiques, l’émotion d’un stade plein, les vocations qu’une telle fête du sport ferait naître parmi la jeunesse, les progrès réalisés pour la pratique féminine. « Si vous ne rêvez pas des Jeux, et bien moi je le ferais pour les autres », s’emporte-t-elle. Dans la salle, on l’écoute comme à la messe. Avant de la noyer sous les applaudissements.
« Nous aurons besoin de vous », avaient insisté Bernard Lapasset et Etienne Thobois en début de soirée. Sans doute. Mais ils auront surtout besoin de Marie-George Buffet.