Nouveau pavé dans la mare de l’athlétisme mondial. Un pavé plutôt mal venu au moment où les performances des athlètes dans les compétitions en salle étaient en train de prendre peu à peu le dessus sur les questions de dopage. Deux affaires tombent coup sur coup. Elles concernent le même pays: l’Ethiopie.
La première porte un nom: Abeba Aregawi. Championne du monde du 1500 m en 2013 à Moscou, elle a subi un contrôle antidopage positif. Une révélation qui touche deux pays à la fois: l’Ethiopie, sa patrie de naissance, sous les couleurs de laquelle l’athlète avait participé aux Jeux de Londres en 2012, et la Suède, dont elle a obtenu la nationalité à la fin de l’année 2012. L’annonce de son contrôle positif est d’ailleurs venue de Stockholm. « Une enquête étant en cours nous ne pouvons pas dévoiler le produit détecté lors de ce contrôle », a expliqué Fredrik Trahn, un porte-parole de la fédération suédoise d’athlétisme (SFIF), précisant qu’Abeba Aregawi avait été « provisoirement suspendue, avec effet immédiat. »
Pour la Suède, le coup est rude. L’athlétisme suédois a plutôt été épargné par les affaires de dopage au cours de ces dernières années. Mais la suspicion risque de rapidement se déplacer vers l’Ethiopie, le pays natal de l’athlète. Abebe Aregawi continue à s’y entraîner régulièrement. Le contrôle antidopage positif dont elle a été l’objet, diligenté par l’IAAF, auraient d’ailleurs été réalisé hors compétition lors d’un stage en Ethiopie.
Autre affaire enveloppée des mêmes couleurs verte, rouge et jaune: Associated Press révèle que neuf athlètes éthiopiens, dont cinq d’entre eux de « très haut niveau », seraient fortement soupçonnés de dopage. Comme dans le cas Aregawi, la source de l’information s’avère fiable. L’annonce en a été faite par Solomon Meaza, le secrétaire général de l’agence éthiopienne antidopage. « Pour être tout à fait clair, nous avons détecté des traces de produits dopants dans leurs analyses », a-t-il expliqué à AP.
Les noms des neuf athlètes en question n’ont pas été communiqués, mais ils auraient été transmis à l’IAAF. Même discrétion, à ce stade de l’enquête, sur les produits découverts et sur les circonstances des contrôles. Tous les éléments ont été transmis par l’agence éthiopienne antidopage à l’IAAF par le biais de l’AMA. Mais Solomon Meaza n’en fait pas mystère: « Nous sommes très préoccupés par l’enquête et par ses résultats. »
Après la Russie et le Kenya, l’actualité du dopage en athlétisme va-t-elle se tourner vers Adidas-Abeba et la formidable réussite des petits coureurs éthiopiens? Depuis l’avènement du prodigieux Hailé Gebreselassie, l’Ethiopie a apporté à l’athlétisme mondial un saisissant contingent de spécialistes du demi-fond et du fond. La dernière en date, Genzebe Dibaba, a fait sensation l’an passé en s’offrant au meeting Herculis de Monaco le record du monde du 1500 m, avec un chrono (3’50 »07) et une aisance jugés suspects par de nombreux observateurs.
Ces deux affaires en rappellent une autre. En novembre dernier, un informateur russe ayant collaboré avec l’Agence mondiale antidopage (AMA) pour son rapport sur le dopage en Russie avait cité l’Ethiopie. « C’est injuste de se concentrer uniquement sur la Russie, avait déclaré Andrey Baranov, un agent sportif, au quotidien britannique The Guardian. Il devrait y avoir la même enquête sur des pays comme le Kenya et l’Éthiopie. Les meilleurs athlètes de ces pays gagnent bien plus d’argent que les Russes. Mais ils ne sont contrôlés que de manière très limitée. » Des propos qui prennent aujourd’hui une toute autre résonance.