Une seule ligne sur une liste de médicaments peut-elle changer le cours entier d’une existence? Avant ces derniers jours, seuls les experts en pharmacologie pouvaient citer le nom du meldonium sans bafouiller ou se tromper dans l’ordre des lettres. Aujourd’hui, cette substance destinée à soigner les angines et les cardiopathies, plus connue en Europe de l’Est sous le nom de mildronate, peut se vanter d’avoir fait tomber une saisissante colonie de grand noms du sport mondial.
Dernière en date: Maria Sharapova (notre photo). La joueuse de tennis russe, âgée de 28 ans, a annoncé elle-même, lundi 7 mars à Los Angeles, avoir été contrôlée positive au meldonium lors du dernier Australian Open, en janvier à Melbourne. Elle a expliqué d’une voix blanche consommer ce médicament depuis une dizaine d’années, « pour traiter des problèmes de santé récurrents, un déficit en magnésium, une arythmie cardiaque et des cas de diabète dans ma famille ». Elle a précisé l’utiliser sur « prescription » de son médecin de famille.
Crédible? Oui et non. Certes, le meldonium ne figurait pas sur la liste des produits interdits par l’AMA avant le 1er janvier 2016. Maria Sharapova n’était donc pas légalement en faute en l’avalant à un rythme régulier, jusqu’à son contrôle au dernier Open d’Australie. Mais le cas de la joueuse russe s’ajoute à une telle liste d’athlètes pris la main dans le sac, depuis le début de l’année, que l’affaire en devient troublante. La Suédoise d’origine éthiopienne Abeba Aregawi, championne du monde du 1500 m en 2013, la patineuse russe Ekaterina Bobrova, les biathlètes ukrainiens Olga Abramova et Artem Tychtchenko, le cycliste russe Edouard Vorganov, le marathonien éthiopien Endeshaw Negesse, plus six lutteurs géorgiens, ont tous été contrôlés positifs à la même substance.
Classé dans la famille des « modulateurs hormonaux et métaboliques », le meldonium a été ajouté par l’AMA à la liste des produits interdits « en raison des données indiquant son utilisation par des athlètes afin d’améliorer leur performance ». Un dopant, un vrai, sans que le doute soit permis, au moins aux yeux de l’Agence mondiale antidopage. Selon Pierre-Jean Vazel, entraîneur français d’athlétisme, l’AMA s’est rendue compte que ce produit était fréquemment utilisé par les sportifs à la faveur de tests effectués en 2015 par l’Institut de biochimie et le Centre de recherche préventive sur le dopage de Cologne. Le meldonium était présent « dans 2,2 % des 8 320 échantillons urinaires aléatoirement prélevés lors de contrôles antidopage chez des sportifs professionnels », écrit-il sur son blog, hébergé par le site du quotidien Le Monde.
Pierre-Jean Vazel explique: « Les sports de force étaient surreprésentés (67 %), devant les sports d’endurance (25 %). L’université allemande avait relevé dans la littérature scientifique deux publications montrant des effets positifs sur les performances des sportifs, par une augmentation de l’endurance, de la récupération, de la protection contre le stress et une amélioration des activations des fonctions du système nerveux central. »
Maria Sharapova a expliqué lundi que ce médicament lui était prescrit depuis 2006 pour « traiter plusieurs problèmes de santé. » La joueuse a expliqué avoir été « souvent malade. J’avais la grippe, des électrocardiogrammes irréguliers, et des signes de diabète, sachant qu’il y avait des antécédents de diabète dans la famille. » Seul ennui, mais de taille: la première étude sur les effets du meldonium en cas de diabète remonte seulement 2009, soit trois années après que Maria Sharapova en ait découvert les miracles pour sa santé fragile.
Précision: le meldonium n’est pas disponible à la vente en Europe et aux Etats-Unis. Il est essentiellement vendu en Europe de l’Est, en Russie notamment et dans les pays baltes. Selon Craig Reedie, le président de l’AMA, il y serait même quasiment en vente libre. Fait troublant: Maria Sharapova réside aux Etats-Unis depuis de nombreuses années. Elle aurait donc fait venir le médicament depuis sa Russie natale.