A cinq mois des prochains Jeux d’été, le CIO a déjà mis la main sur une future star olympique. Une jeune femme de 18 ans aux maigres états de service, sans la moindre chance de monter sur le podium à Rio de Janeiro, mais dont l’histoire mérite un détour. Yusra Mardini (notre photo), une nageuse syrienne, a été présentée en fin de semaine passée à la presse internationale, dans une salle bondée de Berlin. Le premier événement politico-médiatique des Jeux d’été de 2016.
Quelques mois après l’annonce faite par Thomas Bach de la présence d’une équipe de réfugiés en août prochain à Rio, Yusra Mardini a donné un visage et des mots à l’initiative du président du CIO. Elle a raconté son parcours personnel, depuis la Syrie jusqu’en Allemagne. Elle a parlé de ses rêves olympiques. Elle a évoqué l’avenir.
Sélectionnée dans l’équipe syrienne aux championnats du monde de natation en petit bassin en 2012, en Turquie, Yusra Mardini raconte son passé de nageuse avec des mots rarement prononcés dans le sport de haut niveau. Elle explique avoir souvent dû annuler son entraînement à cause des attaques. Elle se souvient avoir parfois pu observer le ciel, au-dessus de la piscine de Damas, par les trous béants creusés dans le plafond par les bombes et les obus.
En août dernier, la jeune fille et plusieurs membres de sa famille, dont sa soeur Sarah, fuient la Syrie parmi un groupe de réfugiés. Ils rejoignent le Liban, puis la Turquie, où ils payent à prix d’or des passeurs pour les conduire jusqu’en Grèce. La traversée vers l’île grecque de Lesbos a failli plusieurs fois leur coûter la vie. Leur bateau est repoussé une première fois vers le large par les gardes-côtes turcs. Les deux soeurs embarquent avec une vingtaine d’autres personnes sur un zodiac. « Nous étions seulement trois à savoir nager, raconte-t-elle. Alors, nous avons plongé pour terminer la traversée à la nage et donner plus de place aux autres. » Yusra Mardini explique avoir passé plus de 3 heures dans l’eau, avant de rallier la côte et gagner son statut de réfugiée.
Après un long périple à travers de nombreuses frontières européennes, Yusra Mardini et sa famille se posent à Berlin. Peu après son arrivée en Allemagne, la jeune réfugiée et sa soeur cadette sont présentées au Wasserfreunde Spandau 04, un club de natation situé près du centre de réfugiés où elle sont hébergées. Elles s’y sont entraînées au cours de ces cinq derniers mois.
« Je pense que mon objectif est de me qualifier pour les Jeux olympiques et de devenir un modèle d’inspiration pour chacun, a suggéré la jeune Syrienne en conférence de presse. Je souhaite que chacun défende fièrement ses objectifs dans la vie. Avec un but à atteindre, on peut tout faire pour y arriver et c’est ce qui compte. Je veux montrer à chacun qu’il est dur de réaliser ses rêves mais que ce n’est pas impossible. Si moi je peux y arriver, alors n’importe quel athlète peut y arriver. »
Yusra Mardini compte parmi un groupe de 43 athlètes identifiés par le CIO comme candidats à l’équipe olympique des réfugiés aux Jeux de Rio de Janeiro. Une équipe qui pourrait finalement, selon Thomas Bach, se composer de 5 à 10 sélectionnés. L’équipe défilera à la cérémonie d’ouverture sous le drapeau olympique. Elle sera logée au village olympique et bénéficiera d’un encadrement fourni et financé par le CIO.
La nageuse d’origine syrienne a été placée en tête de liste, avec deux autres réfugiés, la spécialiste iranienne de taekwondo Raheleh Asemani, et le judoka congolais Popole Misenga. La première se prépare en Belgique, le second s’entraîne au Brésil.
Pere Miró, le directeur général adjoint du CIO en charge des relations avec le mouvement olympique et directeur de la Solidarité Olympique, a expliqué en Berlin, en fin de semaine passée, que « ces athlètes enverront un message clair au monde, montrant que la situation des réfugiés existe et que nous tous, ensemble, devrions faire quelque chose pour y remédier. Avec l’équipe des athlètes olympiques réfugiés, nous pouvons montrer que le sport a des valeurs, qui sont ces derniers temps parfois mises en doute pour diverses raisons. En ramenant ces athlètes aux Jeux, au sport, à la vie, et en proposant des activités sportives dans les camps de réfugiés pour améliorer la qualité de la vie quotidienne, nous retournons à nos racines et prouvons réellement que le sport peut servir la société. » Les réfugiés, premières stars des Jeux de Rio. Belle image.