Mauvaise semaine pour Patrick Hickey, pour l’Association des comités olympiques européens (EOC), et pour les Jeux européens. En l’espace de deux petites journées, leurs rêves de grandeur ont été doublement contrariés. Lundi 18 avril 2016, le ministre russe des Sports, Vitaly Mutko, a fait savoir que son pays n’était en aucune manière candidat à l’organisation de la deuxième édition des Jeux européens, prévue en 2019. Une annonce qui laisse l’EOC et son président, Patrick Hickey, face à une page blanche, la Russie ayant été à ce jour la seule nation intéressée par l’événement continental.
Le lendemain, ce mardi 19 avril, l’avenir des Jeux européens a été encore plus assombri par la présentation à la presse, à l’occasion de la Convention SportAccord à Lausanne, de la première édition des championnats d’Europe « unifiés », prévus en 2018 à Glasgow et Berlin. Ce nouveau concept d’événement, déjà annoncé par ses géniteurs, doit rassembler sous un même habillage les championnats d’Europe de sept sports différents: natation, aviron, cyclisme, golf, triathlon et gymnastique à Glasgow, athlétisme à Berlin. En commun, un logo (notre photo), des dates de compétition (1 au 12 août 2018 pour les six premiers, 7 au 12 août pour l’athlétisme), une synergie dans la préparation et l’organisation. Surtout, grande annonce du jour et sale coup pour l’EOC et ses Jeux européens, un même diffuseur. Pas le moindre: l’EBU (Union européenne de diffusion), une organisation où est regroupée la crème des chaînes publiques (BBC, France Télévisions, ARD/ZDF, RAI, TVE…).
Présent à Lausanne, le directeur des droits sportifs de l’EBU, Stefan Kürten, l’a expliqué sans nuance: « Pour nous, les championnats d’Europe 2018 marquent une étape importante pour l’avenir des sports en Europe. Leur concept doit permettre de maintenir l’Europe du sport à son plus haut niveau. Nous n’envisageons pas cet événement comme une création, mais plutôt comme une évolution. Nous ne les voyons pas non plus comme un coup sans lendemain, mais comme le début d’une nouvelle ère. »
Avec un tel partenariat audiovisuel, les championnats d’Europe 2018 s’offrent d’emblée, avant même le lever de rideau, l’assurance d’une diffusion large et gratuite. Leur potentiel de téléspectateurs est estimé à 1,03 milliards de personnes. Malgré tous leurs efforts, et les moyens considérables déployés par l’Azerbaïdjan, les Jeux européens 2015 à Bakou n’avaient pas pu attirer dans leurs filets la moindre chaîne publique. Leur « concurrent » continental y parvient à plus de deux années de la compétition. Cruel.
Sur le papier, le concept présente bien. Paolo Barelli, le président de la Ligue européenne de natation (LEN), a expliqué que les programmes des différents sports seraient aménagés pour éviter la concurrence. La natation occupera la première semaine, l’athlétisme la seconde, avec un seul jour en commun. A Glasgow, le public se verra proposer des billets multisports, une idée testée avec succès aux derniers Jeux du Commonwealth, organisés en 2014 dans la ville écossaise. « Avec six championnats d’Europe en même temps, l’exposition médiatique de Glasgow sera nettement plus importante », se félicite déjà Colin Hartley, le directeur des sports de Glasgow 2018. « Nous allons travailler en étroite collaboration avec les Ecossais, annonce Frank Kowalski, le directeur de Berlin 2018. Cette initiative peut nous aider à mieux lutter contre les autres sports, en particulier le football. » Chacune des fédérations européennes conservera la contrôle de son propre événement. « Il n’y aura aucune interférence », promet Paolo Barelli.
Face à un tel mastodonte, les Jeux européens se préparent à des jours difficiles. Svein Arne Hansen, le président de l’Association européenne d’athlétisme (AEA), prévient: « Nous n’organiserons jamais nos championnats d’Europe dans le cadre des Jeux européens (le judo s’y était essayé l’an passé à Bakou). Pas même ceux des juniors ou des espoirs. Si ces championnats d’Europe 2018 répondent à nos critères de succès, nous renouvellerons l’expérience quatre ans plus tard. Nous avons déjà 11 pays intéressés pour l’édition 2022. Nous intégrerons dans notre processus de candidature cette nouvelle dimension. » L’avenir est en marche.