J – 100 avant l’ouverture des Jeux de Rio de Janeiro, ce mercredi 27 avril 2016. Une date toujours célébrée en grandes pompes par le mouvement olympique. L’occasion, selon les pays, pour dévoiler des tenues officielles, annoncer le nom d’un porte-drapeau, présenter les chances de médailles ou faire monter la pression.
Pour le CIO et son président, Thomas Bach, cette dernière longue ligne droite s’annonce sans répit. A Rio, les clignotants sont loin d’être tous au vert, entre la crise économique, l’incertitude politique, le faible succès de la billetterie, la qualité des eaux de la baie et les retards au vélodrome. Le dirigeant allemand (notre photo, avec Dilma Rousseff, la présidente du Brésil) garde pourtant sourire et optimisme. Il l’a expliqué à Philippe Vande Weyer, le spécialiste des questions olympiques au quotidien belge Le Soir.
A 100 jours, avez-vous toutes vos assurances sur le bon déroulement des Jeux et la fin des travaux ?
Thomas Bach: Le comité d’organisation a fait un travail extraordinaire, au cours de cette dernière année en particulier. Notre commission de coordination vient de rentrer du Brésil et nous a dit que 98% des infrastructures sont prêtes. Il reste quelques détails à régler, mais Rio est sur le même chemin que les précédentes villes-hôtes. Nous avons eu une grande série d’épreuves-tests qui se sont bien déroulées. Nous sommes donc pleinement confiants.
Il y a aussi l’aspect politique, avec un pays qui est en crise très grave qui va sans doute déboucher sur la destitution de la Présidente, et une situation économique très difficile pour le peuple brésilien…
La conjonction des deux est vraiment une situation unique. Mais nous sommes déjà dans une phase opérationnelle où le gouvernement fédéral ne joue plus un rôle très important, si ce n’est sur le plan de la sécurité, où cela va dans le bon sens. Un changement à la tête du pays n’aurait pas d’impact sur les Jeux. L’autre aspect, qui est peut-être plus important, c’est que la population brésilienne soutient les Jeux, parce qu’elle les considère comme une partie de la solution et pas du problème. Ca facilite les choses. On va voir la chaleur des Brésiliens, leur hospitalité, le désir de Rio, qui est une ville magnifique.
Le comité d’organisation a été obligé de faire des coupes sombres dans le budget. Est-ce que cela ne va pas influencer le déroulement des JO ?
Tout le mouvement olympique, les fédérations internationales, les comités nationaux olympiques, le CIO lui-même, fait preuve de solidarité avec les Brésiliens et le comité d’organisation. Tout le monde est conscient que cette situation est unique et très difficile et qu’il faut rester unis pour avoir de bons Jeux. On a réduit quelques coûts, le niveau de quelques services, mais toujours avec le principe que tout ce qui concerne le déroulement des Jeux, la qualité des compétitions, les conditions pour les athlètes soit intouchable.
Les fédérations internationales ont quand même montré un peu d’inquiétude ces derniers jours à l’occasion des épreuves-tests…
Nous avons aussi reçu les avis de plusieurs athlètes qui ont dit que c’était extraordinaire, qu’elles étaient déjà au niveau olympique. Au théâtre, aussi, il y a des répétitions et on dit qu’une mauvaise générale est généralement un bon présage pour la première !
Il y également la crainte du virus Zika dont on a beaucoup parlé ces derniers mois
Nous sommes en contact avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis le premier jour. Elle nous a confortés. Rio n’est pas un « hotspot » pour les moustiques. Vous avez vu que le carnaval de Rio s’est déroulé sans problème. Ensuite, dès le mois de mai, l’hiver commence à Rio et le nombre de moustiques va baisser pour des raisons de température. Enfin, l’OMS a été très impressionnée par les efforts des autorités brésiliennes en la matière. Par ailleurs, nous avons donné toutes les informations possibles et nécessaires aux CNO quant aux précautions à prendre.
Si vous aviez une fille enceinte, vous lui conseilleriez d’aller aux Jeux ?
Ce n’est pas à moi de donner des avis purement spéculatifs !
Vous ne craignez pas que ça ait un impact sur le tourisme des Jeux ? La vente des billets est en retard par rapport à la normale.
Elle l’est, mais au Brésil, où la population n’a pas l’habitude d’acheter des billets longtemps à l’avance, ça fait partie de la culture. Sans compter que les discussions au Brésil, pour le moment, tournent autour de la situation politique et que les Jeux ne sont pas encore au centre de l’attention.
La qualité de l’eau dans la baie de Rio a aussi été un thème important. Est-ce que là aussi vous êtes rassuré ?
Au début de la candidature, on avait reçu la promesse des Brésiliens de nettoyer 100% de la baie et, au bout du compte, elle le sera à 60%. On peut toujours discuter si la bouteille est à moitié vide ou à moitié pleine, mais ce qu’on peut dire, c’est que sans les Jeux, 0% aurait été nettoyé. Ce qui est important pour les athlètes, c’est que ces 60% sont concentrés sur les sites de compétition. Sur ceux-ci, il y aura des efforts supplémentaires qui seront faits avec du matériel ad hoc. Nous sommes confiants qu’au moment des Jeux, les athlètes seront « safe » et que la compétition sera correcte. Le comité d’organisation étudie la qualité de l’eau régulièrement en accord avec les standards décrétés par l’OMS.
La sécurité est un problème au centre des préoccupations aux Jeux depuis ceux de Munich, en 1972. Avec ce qui s’est passé récemment à Paris et Bruxelles avec les attentats commis par Daech, vous n’avez pas plus de craintes que lors des Jeux précédents ?
Malheureusement, nous ne sommes pas seuls. Chaque grand événement dans le monde présente des risques plus élevés qu’avant. En Belgique, vous avez même vécu une expérience terrible qui ne concerne pas un événement particulier mais la vie quotidienne. Ce serait une victoire pour les terroristes si on changeait notre vie quotidienne ou si nous annulions de grands événements. Ayant dit cela, nous travaillons très étroitement avec le comité d’organisation. La sécurité, c’est la responsabilité des autorités brésiliennes en qui nous avons pleine confiance. Ce que nous voyons, c’est qu’ils font un effort extraordinaire. Il y a une coopération internationale avec une douzaine de pays.
Vous allez innover aux Jeux avec une équipe de réfugiés. Où en êtes-vous ?
Nous avons pris 43 athlètes en considération. Ils s’entraînent dans des camps de réfugiés un peu partout dans le monde. La liste définitive sera déterminée lors de notre comité exécutif au début du mois de juin. Je compte toujours qu’il y en aura entre 5 et 10 qui participeront aux Jeux.