Sebastian Coe, le président de l’IAAF, et les 25 autres membres du Conseil, présents vendredi 17 juin au Grand Hotel de Vienne, ont pris la décision que la Russie redoutait mais qu’une grande partie de la planète sportive attendait. Ils ont maintenu la suspension de l’athlétisme russe, imposée en novembre 2015, puis renouvelée en mars dernier. Avec sa conséquence la plus immédiate, et la plus radicale: l’absence des athlètes russes des Jeux de Rio en août prochain.
Jamais, dans l’histoire, une fédération internationale n’avait privé un pays tout entier de l’événement olympique pour cause de dopage. Jamais, dans l’histoire, l’ensemble des athlètes d’une même nation avait été exclu des Jeux, qu’ils aient été ou non convaincus de dopage.
Les membres du Conseil, réduits à 24 votants en raison de l’absence du représentant saoudien et de l’interdiction de voter des délégués russe et kényan, ont longuement pesé leur décision. Mais Sebastian Coe l’a expliqué, les progrès de la Russie sur la question du dopage demeurent insuffisants et incomplets pour lever la suspension. A la question de savoir s’il fallait ou non lever la suspension, la majorité a répondu par la négative. Commentaire de Bernard Amsalem, le président de la Fédération française d’athlétisme et membre du Conseil: « Notre image a été extrêmement ternie. Le seul moyen de la redresser, c’est d’être dur. »
A peine la décision connue et annoncée, vers 17 h 30 à Vienne, les réactions russes se sont multipliées. Vitaly Mutko, le ministre des Sports, a parlé le premier et le plus fort. C’était attendu. Avant même de connaître le sort réservé à ses athlètes, il avait imploré l’IAAF de « reconsidérer (sa) position sur la suspension de nos athlètes », assurant que son pays « avait fait tout ce que lui a demandé la commission de l’IAAF pour être réadmise dans les compétitions ». Une fois la sanction connue, il s’est dit « extrêmement déçu » par la position tranchée de l’IAAF, tout en reconnaissant qu’il ne s’attendait pas à autre chose.
Même colère contenue dans les propos de la perchiste Yelena Isinbayeva. L’athlète russe a répété que l’exclusion de la délégation des Jeux de Rio constituait une « atteinte aux droits de l’homme. » Elle a promis de se battre.
Fin de l’histoire? Sûrement pas. En maintenant la suspension de la Russie des épreuves internationales d’athlétisme, Jeux compris, l’IAAF a pris la décision la plus crédible pour son propre avenir, au moins à court terme. Mais le sort des athlètes russes est loin d’être scellé. Vitaly Mutko l’a expliqué sans nuance: « Nous allons réagir ». Puis le ministre en a appelé au CIO, en demandant à l’institution olympique, en particulier à son président Thomas Bach, de laisser la porte des Jeux ouverte pour les athlètes russes.
En clair, l’IAAF a refilé la patate chaude au CIO. Il reviendra maintenant à l’institution olympique de trancher. Sa commission exécutive doit « discuter de la suite » des événements samedi 18 juin par téléphone. Avant une décision plus formelle mardi 21 juin. Mais sa tâche s’annonce aussi complexe que celle de Seb Coe et de ses pairs. En allant à l’encontre de l’IAAF, l’instance olympique créerait un précédent historique. Il faudrait aussi à Thomas Bach expliquer comment il compte s’y prendre pour protéger les athlètes propres, en laissant dans le même temps la Russie participer aux Jeux. A l’inverse, confirmer la décision de l’IAAF reviendrait à priver de JO des athlètes présumés innocents.
Reste une solution médiane. Le CIO pourrait décider de constituer une équipe où les athlètes russes, non impliqués dans des cas de dopage, seraient autorisés à concourir sous la bannière olympique. Un compromis. La moins pire des solutions.