Au Brésil, son nom est associé à la vie politique depuis tellement longtemps que seuls les plus anciens peuvent raconter ses débuts. Francisco Dornelles avoue 81 ans. Sa dernière fonction officielle, vice-gouverneur de Rio de Janeiro, suffisait amplement à son bonheur. Mais la maladie du gouverneur en poste, Luiz Fernando Pezao, l’a obligé en début d’année à grimper d’un cran. A quelques mois de l’ouverture des Jeux, il s’en serait bien passé. « J’avais décidé de mettre un terme à ma carrière politique, a-t-il admis. Soudain, je me suis retrouvé avec cette bombe entre les mains. »
La bombe en question, Francisco Dornelles l’a faite sauter à sa façon, lundi 27 juin, à moins de 40 jours de l’ouverture des Jeux de 2016. Le gouverneur de Rio de Janeiro a osé dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas dans la ville olympique. Répondant à une interview de la chaîne O Globo, il a prédit que les Jeux pourraient être un « énorme échec » si des mesures d’urgence n’étaient pas prises pour régler au plus tôt les question des transports et de la sécurité.
« Bien sûr, je suis optimiste concernant les Jeux, mais il faut regarder la réalité en face, a reconnu Francisco Dornelles. Nous pouvons réussir de grands Jeux, mais si rien ne se passe, ils seront un échec. »
Le gouverneur pointe du doigt deux secteurs décisifs de la réussite de l’événement: le transport et la sécurité. Le premier tient en un mot: métro. La ligne reliant le centre de la ville au parc olympique de Barra da Tijuca, présentée dans le projet de candidature comme un héritage des Jeux, ne sera pas terminée à temps au moment de l’ouverture. « Comment les gens vont-ils pouvoir se rendre sur les sites si nous ne pouvons pas les transporter? » interroge le gouverneur.
Autre péril brandi par Francisco Dornelles: la sécurité. Les moyens mis à la disposition des forces de police ont été réduits au cours des derniers mois. Il se raconte même à Rio de Janeiro que les policiers locaux pourraient se retrouver à l’arrêt dès la fin de la semaine, faute de pouvoir faire le plein de leurs véhicules. Il se murmure également que les organisateurs des Jeux n’ont pas encore trouvé une solution définitive à la question du logement des dizaines de milliers d’agents de sécurité réquisitionnés pendant les Jeux. « Comment les gens pourraient-ils se sentir en sécurité pendant les Jeux sans forces de police? », s’inquiète le gouverneur.
En cause, l’argent. Plus tôt dans le mois, Francisco Dornelles a déclaré l’Etat de Rio en situation de « désastre financier ». Une mesure radicale, sans précédent dans l’histoire récente des Jeux, présentée sur le moment comme un moyen de contourner la pesanteur administrative et fiscale, en permettant aux autorités d’engager plus rapidement des dépenses olympiques. En réalité, la trésorerie de Rio de Janeiro sonne creux. Selon son gouverneur, l’Etat de Rio attend toujours un paiement de 720 millions d’euros du gouvernement brésilien. Mais il n’est pas acquis que les fonds arrivent avant le début des Jeux. Un transfert représentant environ le tiers de cette somme a déjà été rejeté par la Banque nationale brésilienne de développement, invoquant le non remboursement d’un emprunt par les autorités du pays.
Alarmiste, le gouverneur de Rio? Peut-être pas. « A mon âge, je peux me permettre de dire la vérité. Je ne suis pas en campagne », suggère Francisco Dornelles. A 38 jours de l’ouverture des Jeux, son analyse de la situation fait froid dans le dos.