Le grand déballage continue. Comme ils l’avaient annoncé, les hackers russes du groupe Fancy Bears poursuivent la mise en ligne de noms et de données d’athlètes issus des listes présumées confidentielles de l’Agence mondiale antidopage (AMA). La dernière volée, publiée lundi 19 septembre, compte 26 athlètes, représentant 10 pays. Fancy Bears les accuse d’avoir triché. A tort.
Cette troisième liste de noms pèse d’un bon poids. Un mélange de stars et d’athlètes moins connus. Un mixte de pays et de disciplines. Preuve que les hackers russes connaissent leur sujet et possèdent un sens aiguisé de la communication. En tête, deux très gros poissons, Rafael Nadal et Mo Farah. En dessous, citons le golfeur britannique Justin Rose, médaillé d’or à Rio, le nageur hongrois Laszlo Cseh, médaillé d’argent au 100 m papillon, la Burundaise Francine Nyonsaba, vice-championne olympique du 800 m, la rameuse anglaise Helen Glover, médaillée d’or aux Jeux de Londres en 2012.
Pour la première fois depuis le début de l’affaire, deux Français sont cités par le groupe Fancy Bears: Dimitri Bascou, médaillé de bronze au 110 m haies à Rio, Gauthier Grumier, champion olympique à l’épée par équipes et médaillé de bronze en individuel.
Dans tous les cas, les 26 athlètes dont les noms ont été dévoilés bénéficient d’une autorisation à usage thérapeutique (AUT) d’utiliser des produits figurant sur la liste des 300 substances prohibées par l’AMA. Ils ne sont donc pas dopés. L’attaque brandie par les hackers russes, selon laquelle ces athlètes « ont eu la permission de l’AMA de se doper », ne tient pas.
Rafael Nadal a eu l’autorisation de prendre du betamethasone en septembre 2009, puis des corticotrophines en août 2012. Mo Farah, auteur du doublé 5 000/10 000 m en 2012 et 2016, a été autorisé à utiliser du triamcinolone en octobre 2008, puis du vicodin et du sulfate de morphine en juillet 2014. Dimitri Bascou a bénéficié d’une AUT pour consommer du salbutamol et des glucocorticoïdes en juin 2013. Gauthier Grumier a eu recours à un usage thérapeutique du betamethasone et du methylprednisolone en novembre 2009.
L’épéiste français s’en est justifié dans un communiqué, publié lundi soir. « Lors d’un repas avec l’équipe de France d’escrime à l’hôtel des championnats du monde d’Antalya, en 2009, j’ai ingéré un aliment contenant de la cacahuète par mégarde. Étant hautement allergique à ce genre d’aliment, s’en est suivi un choc anaphylactique violent. Les deux médicaments (methylprednisolone et betamethasone) m’ont été administrés pour me sauver la vie. J’en profite pour remercier une nouvelle fois le docteur Dominique Poux qui a su, dans l’urgence, me prodiguer les soins nécessaires et indispensables. »
Beaucoup de bruit pour rien? Certes. Mais l’attaque en rafales des hackers russes, même si elle n’atteint pas son but, à savoir jeter le discrédit sur la performance de quelques dizaines d’athlètes olympiques, a le mérite de lever un coin du voile sur ces désormais fameuses autorisations à usage thérapeutique. Une forme d’exception aux règles de l’AMA dont l’agence internationale n’avait jusque-là pas fait une grande publicité.
Aux Etats-Unis, l’agence nationale antidopage a expliqué en avoir délivré 136 l’an passé, sur environ 2.500 athlètes figurant sur sa liste des noms à contrôler. Un porte-parole de l’USADA a assuré que seulement 15 membres de la délégation américaine aux Jeux de Rio bénéficiaient d’une AUT, soit moins de 3% de l’équipe olympique.
Depuis le début de l’affaire, les fédérations internationales ont dévoilé leurs chiffres. Un déballage qui a notamment permis de découvrir que la FINA en avait délivrées 29 au cours de l’année 2015. Au tennis, l’ITF a en accordées une cinquantaine, sur la centaine de demandes reçues tous les ans. En cyclisme, l’UCI reconnait que le phénomène est en spectaculaire diminution: 239 AUT avaient été accordées en 2009, contre seulement 15 l’an dernier.
Interrogé par la BBC, Sebastian Coe a plaidé en faveur de ces exemptions, assurant que le procédé était juste en permettant à un athlète de se soigner. Le président de l’IAAF veut croire que le « public peut faire confiance » au système. Mais Seb Coe n’en fait pas mystère: « Le potentiel d’un abus existe et il est réel ».