Une page a été tournée dans la longue histoire du karaté. Après plusieurs échecs, la discipline a enfin été admise aux Jeux olympiques. Elle fera ses débuts en 2020 à Tokyo, avec le baseball/softball, le skateboard, le surf et l’escalade, au titre des sports additionnels. Vice-président de la Fédération internationale de karaté (WKF), le Français Francis Didier (photo ci-dessous) en a expliqué à FrancsJeux les perspectives et les enjeux, à deux semaines des championnats du monde, organisés du 25 au 30 octobre à Linz, en Autriche.
FrancsJeux: Le karaté avait échoué à plusieurs reprises dans sa tentative d’intégrer le programme olympique. Comment expliquez-vous ces échecs à répétition?
Francis Didier: Le processus a été long. Tout a débuté en 1998 avec la reconnaissance par le CIO de la Fédération internationale de karaté (WKF). Nous avons tenté une première fois d’être admis aux Jeux à la session du CIO en 2005 à Singapour. Nous sommes passés tout près. Mais le deuxième vote nous a rejetés. Quatre ans plus tard, à Copenhague, nous avions face à nous une très dure concurrence avec le golf et le rugby à 7. Par sa brillante présentation, en français, anglais et espagnol, Bernard Lapasset nous a fait très mal. Enfin, le karaté comptait dans la short-list pour les Jeux de 2016. Mais le CIO a préféré, lors de la session de Buenos Aires en 2013, réintégrer la lutte dans le programme.
Pourquoi les choses ont-elles changé pour les Jeux de Tokyo 2020?
L’Agenda 2020 autorise désormais une ville-hôte des Jeux à choisir des nouveaux sports. Pour Tokyo 2020, le CIO prônait une sorte de package réunissant des sports traditionnels au Japon et des disciplines plus jeunes. Les Japonais ont proposé le baseball/softball et le karaté pour la première de ces deux catégories. Mais, dans le même temps, nous avons su évoluer afin de mieux répondre aux attentes du CIO. Nous avons rendu le karaté plus compréhensible avec 4 juges de coin et 1 arbitre central, avec des protections de couleur, avec un décompte des points plus lisible. Le karaté était très traditionnel dans sa mentalité. Il nous a fallu évoluer et changer nos idées.
L’entrée dans le programme olympique vous a-t-elle contraint à accepter des compromis?
Nous avons surtout accepté une format de compétition très réduit pour les Jeux de Tokyo 2020. Le tournoi sera réservé à 80 athlètes, contre environ 600 aux championnats du monde. Il sera réduit à 3 catégories de poids, chez les hommes comme pour les femmes, dans les épreuves de combat, plus une seule épreuve de kata. Avec 116 pays membres de la WKF, les places seront très chères.
Le karaté a été admis pour 2020, mais sans aucune garantie de rester dans le programme après les Jeux de Tokyo…
Les sports additionnels changeront en effet d’une édition olympique à une autre. Pour 2024, nos chances de figurer au programme seraient plus fortes en cas de victoire de Paris, car le karaté rapporte des médailles à la France. Mais nous serons, par ailleurs, une nouvelle fois candidats à une entrée dans le programme lors de la session du CIO en septembre 2017 à Lima.
Quels sont les atouts du karaté pour rester plus durablement aux Jeux?
Son coût. Une compétition de karaté ne nécessite aucune infrastructure particulière. Nous avons besoin d’un gymnase et d’un tatami. Le karaté peut également se montrer très souple dans le format de ses épreuves. Je rappelle que les athlètes seront seulement 80 aux Jeux de Tokyo.
Votre présence prochaine aux Jeux de Tokyo a-t-elle déjà un impact visible?
Oui. Nous ressentons une grande fierté et un immense soulagement. Enfin, nous y sommes. En France, par exemple, nous avons changé de statut au CNOSF, pour intégrer désormais le collège des fédérations olympiques. Plus largement, l’entrée aux Jeux va motiver certaines nations à investir dans le karaté. En vertu de la règle de l’universalité, la WKF va réserver six places à l’Afrique pour les Jeux de 2020. Cette perspective va sans doute donner des idées et des envies à plusieurs nations du continent.