La route de Lima, au Pérou, est passée par Doha, au Qatar, pour les trois candidatures aux Jeux d’été en 2024. Une étape dans le Golfe située à dix mois, presque jour pour jour, de la ligne d’arrivée. Budapest, Los Angeles et Paris ont présenté leur vision et leur projet olympiques, mardi 15 novembre, devant les représentants des comités nationaux olympiques réunis en assemblée générale. La première d’une série de trois présentations. La plus éloignée du vote, la moins directement connectée avec les futurs électeurs. Mais pas forcément la moins importante.
A l’image de la conférence de presse « officielle » des villes candidates, en août dernier aux Jeux de Rio, l’exercice était rigoureusement formaté. Vingt minutes, 5 intervenants (plus d’éventuels membres du CIO), un ou deux films, mais pas de séance de questions/réponses. Selon un ordre qui ne bougera plus jusqu’à l’heure du scrutin, Los Angeles a ouvert la session, Budapest a suivi, Paris a bouclé l’affaire.
Los Angeles. La délégation la plus féminine. La plus nombreuse, également. Janet Evans, Angela Ruggiero et Allyson Felix ont partagé la tribune avec le maire, Eric Garcetti, le président de la candidature, Casey Wasserman, le président du comité olympique, Larry Probst. Fidèle à son habitude, Janet Evans s’exprime la première. En anglais. Mais elle ose quelques mots en français pour présenter Casey Wasserman. L’ancienne nageuse, vice-présidente de la candidature, annonce une innovation: un « Conseil du village olympique », destiné à répondre aux attentes des comités nationaux olympiques sur les questions de logement et de séjour tout au long des 7 années de préparation des Jeux.
Larry Probst joue son rôle de président de l’USOC en rappelant que 576 athlètes, venus de 103 pays, se sont entraînés en Californie avant les Jeux de Rio. Ils ont décroché 58 médailles. Mais il faut attendre l’arrivée à la tribune d’Angela Ruggiero, la directrice de la stratégie et membre du CIO, pour que la présentation de Los Angeles 2024 se cale pour de bon sur les rails du projet californien. L’ancienne hockeyeuse parle sport et « entertainment ». Surtout, elle lâche le mot clé: innovation. A défaut de détailler un dossier très hollywoodien et ensoleillé mais encore un peu flou, l’équipe américaine martèle son message et sa vision: connecter le mouvement olympique avec la future génération. Sur ce registre, Eric Garcetti excelle. Le maire de Los Angeles s’exprime en anglais, puis passe à l’espagnol, avec quelques mots de français. « Nous aimons les Jeux olympiques », lâche-t-il en français. Séduisant et charismatique.
Mais, surprise, Allyson Felix vole la vedette à ses cinq camarades de cordée. La sextuple championne olympique est la seule de tous les intervenants de l’après-midi à être interrompue par les applaudissements de la salle. Elle évoque les récentes élections présidentielles américaines, et la victoire de Donald Trump, pour demander à l’assemblée: « S’il vous plait, ne doutez pas de nous. La diversité de l’Amérique reste notre point le plus fort. » Le deuxième clip vidéo de Los Angeles 2024 met notamment en scène Kobe Bryant et Gwen Stefani. A ce jeu, ils sont seuls au monde.
Budapest. Les Hongrois ont trouvé leur slogan: « Right city at the right time ». La bonne ville au bon moment. Ils le martèlent sans craindre l’effet de répétition. Présenté comme l’outsider face aux deux mastodontes que sont Los Angeles et Paris, Budapest joue à fond la carte de la différence. Un projet alternatif, en phase avec l’Agenda 2020, susceptible en cas de victoire de « donner de l’espoir » à des villes de taille moyenne en pleine émergence. La présentation de Budapest 2024 est lancée par deux athlètes, la pongiste paralympique Zsofia Arloy et l’escrimeur Aron Szilagyi, champion olympique en 2012 et 2016. Les Hongrois s’expriment en anglais. Ils parlent avec conviction, s’appuyant sur des images sans esbroufe mais parfois décalées, très aquatiques, révélant une ville jeune et vivante.
Balazs Fürjes, le président de la candidature, insiste sur l’alternative proposée par le projet hongrois. Un territoire nouveau, l’Europe centrale, un projet compact, avec un temps de trajet moyen de 12 minutes pour se rendre sur les sites de compétition, sept pôles de compétition. « Des Jeux pour tous », suggère-t-il. Le message est clair. La vision limpide. Commentaire du représentant d’un comité olympique africain: « Leur vision est différente mais intéressante. Ils se démarquent. »
Paris. L’équipe française a été servie par le tirage: elle termine la série des présentations. Elle laisse donc à l’assemblée la dernière impression. Cinq intervenants, mais une seule femme: Anne Hidalgo. Denis Masseglia, le président du CNOSF, prend la parole le premier. Il annonce la mise en ligne d’une déclaration aux comités nationaux olympiques et paralympiques, où le comité de candidature s’engage à offrir des services sur mesure aux pays étrangers en amont des Jeux. Bernard Lapasset lui succède, pour exprimer en anglais l’engagement de la nation toute entière, François Hollande en tête, derrière Paris 2024. Puis Teddy Riner occupe l’espace, avec aisance et naturel, pour parler des athlètes et annoncer la création, en cas de victoire, d’un espace dédié aux olympiens dans le cadre prestigieux du Petit Palais.
Sans grande surprise, Anne Hidalgo vole la vedette. Convaincante et charismatique, la maire de Paris raconte son amour pour la capitale, elle évoque le défi environnemental et l’Accord de Paris sur le climat, elle suggère que sa ville puisse devenir avec les Jeux un pont entre tous les continents. Puis elle passe à l’espagnol, longuement, avant de revenir au français. Son intervention fait mouche. Tony Estanguet lui succède. Le co-président de Paris 2024 sort de son chapeau deux mots qu’il faut s’attendre à revoir régulièrement dans les discours de la candidature: passion et sens. Un aperçu, sans doute, du slogan des derniers mois de la campagne.
Plus que ses deux concurrentes, l’équipe française dévoile les détails de son dossier. Le premier de ses deux films présente les lieux, les chiffres et les atouts du projet. Le message y perd sans doute un peu en force, mais l’assistance apprécie. « Les Français nous ont donné plus de détails, leur projet semble plus avancé », analyse un délégué africain.
Verdict. Difficile de dégager un vainqueur. Impossible, également, de sortir un battu. Les trois villes candidates ont joué leur carte, à fond, avec leurs propres armes. Los Angeles et Budapest ont insisté sur leur vision, Paris a appuyé sur son dossier. Dans tous les cas, les équipes ont compris et assimilé l’Agenda 2020. Le CIO appréciera. Il lui faudra aussi choisir.