Il s’annonçait explosif. Il n’a déçu personne. Vendredi 9 décembre, la version finale du rapport McLaren sur le dopage en Russie a fait trembler le mouvement sportif international à la façon d’une secousse sismique. Le juriste canadien, missionné par l’AMA pour faire la lumière sur la réalité de la triche et de la corruption dans le sport russe, a étalé ses chiffres et ses découvertes. Le résultat laisse sans voix.
Richard McLaren l’a expliqué en conférence de presse, depuis Londres: « Une conspiration institutionnelle a été mise en place pour les sports d’hiver et d’été, avec la participation du ministre des Sports et de ses services comme l’agence russe antidopage (Rusada), le laboratoire antidopage de Moscou et le FSB (les services secrets russes, ex KGB), afin de manipuler les contrôles antidopage. Cette manipulation systématique et centralisée des contrôles antidopage a évolué et a été affinée au fur et à mesure de son utilisation, aux Jeux olympiques de Londres en 2012, aux Universiades de 2013, aux championnats du monde d’athlétisme 2013 à Moscou et aux Jeux olympiques d’hiver de Sotchi en 2014. »
Les Universiades à Kazan, au cours de l’été 2013, auraient ainsi été utilisées par les dirigeants russes comme un ballon d’essai pour tester les méthodes de manipulation dans la perspective des Jeux d’hiver de Sotchi, l’hiver suivant. Un événement olympique et paralympique où, selon le rapport McLaren, pas moins de 12 médaillés russes, dont 4 en or, auraient bénéficié de la manipulation de leurs échantillons afin d’échapper à une suspension. « Cela visait à assurer à la Russie, le pays hôte, qu’il pourrait décrocher le plus de médailles possible en permettant à ses meilleurs sportifs prétendant à une médaille de se doper et, parfois, dans certains cas, y compris pendant les Jeux », note le Canadien.
Le juriste canadien (photo ci-dessus, au centre) a appris au cours de son enquête, entre autres découvertes, que les méthodes de dopage auraient évolué en Russie en fonction des règles et des moyens de l’Agence mondiale antidopage. « L’évolution de l’infrastructure visait à répondre aux changements de règlement de l’agence mondiale antidopage (AMA) et de ses interventions inopinées », précise Richard McLaren.
Les autorités russes n’ont pas lésiné sur les moyens. Elles auraient formé très en amont de l’événement les futurs sélectionnés à contourner les contrôles avant et pendant les Jeux de Londres 2012.
Curieusement, le professionnalisme du système a parfois contrasté avec des techniques assez rudimentaires. Richard McLaren révèle, par exemple, que « du sel et du Nescafé ont été ajoutés dans les échantillons urinaires pour fausser les résultats. » Autre preuve des manipulations: deux hockeyeuses sur glace de l’équipe de Russie aux Jeux de Sotchi ont eu des tests d’urine révélant de l’ADN masculin.
Sans surprise, la publication du rapport final du juriste canadien a déclenché une avalanche de réactions dans le mouvement sportif. La Russie n’a pas été la dernière à se fendre d’un commentaire, cherchant à minimiser l’impact de la fraude. Le ministère des Sports a nié l’existence d’un dopage d’état systématique dans le sport, répétant comme une litanie sa détermination à lutter contre le dopage avec la volonté d’une « tolérance zéro ».
L’IAAF a annoncé, de son côté, avoir décidé d’analyser à nouveau les échantillons des athlètes russes depuis les Mondiaux 2007 à Osaka. Une opération qui aurait déjà permis de détecter trois cas positifs.
Le comité paralympique international (IPC) a qualifié les révélations du rapport McLaren d’incroyables et sans précédent. L’organisation a assuré que le Canadien avait « frappé directement au cœur de l’intégrité et de l’éthique du sport. »
La réaction du CIO n’était pas la moins attendue. Elle est intervenue tardivement, plusieurs heures après la conférence de presse de Richard McLaren à Londres. Dans un communiqué, l’organisation olympique annonce sa décision de ré-analyser plus de 250 échantillons des athlètes russes aux Jeux de Sotchi 2014, et de soumettre à une nouvelle analyse tous les prélèvements réalisés deux ans plus tôt aux Jeux de Londres. Son communiqué évoque une « attaque fondamentale contre l’intégrité des Jeux et du sport en général. »
Mais la palme des réactions au rapport McLaren revient au Danemark. Michael Ask, le président de l’agence danoise antidopage, appelle à une exclusion de la Russie des événements sportifs. Le Scandinave estime que le pays ne devrait plus avoir le droit d’organiser de compétitions internationales, pas même la Coupe du Monde de football en 2018, en Russie.