Très fort. Douteux sur la manière, incertain quant au conséquences, mais très fort. Moins d’une année après avoir glissé son élégante silhouette dans le fauteuil de président de la FIFA, l’Italo-suisse Gianni Infantino a fait passer une réforme qui semblait encore, quelques mois en arrière, être une douce plaisanterie. Il a gonflé le format de la Coupe du Monde de football, pour le porter de 32 à 48 équipes à partir de l’édition 2026.
En soi, la performance apparaît déjà respectable. Mais les chiffres lui donnent une dimension de plébiscite. La nouvelle formule du Mondial a été approuvée à l’unanimité, mardi 10 janvier à Zurich, par le Conseil de la FIFA. Malgré l’énormité du changement, il ne s’est pas trouvé une seule voix pour s’opposer à son adoption. Gianni Infantino peut rouler des mécaniques. Son pouvoir est solide, sa légitimité avérée.
Dans le détail, le Mondial passera donc de 32 équipes à 48, soit une hausse de 50%. A 23 joueurs par nation, ils seront 368 footballeurs supplémentaires à pouvoir vivre de l’intérieur l’événement le plus suivi de la planète, après les Jeux olympiques. Le nombre de rencontres sera porté à 80. Mais, par un ingénieux tour de passe-passe, le tournoi se déroulera toujours sur 32 jours et dans 12 stades. Les deux finalistes auront disputé 7 matches pour se disputer le trophée, comme dans la formule actuelle.
Le premier tour de la compétition sera organisé en 16 poules de 3 équipes. Les deux premiers de chaque poule avanceront vers les 16èmes de finale, une étape qui lancera la phase par élimination directe. Calcul facile: une équipe éliminée à l’issue de la phase de poule aura disputé seulement 2 rencontres, au lieu de 3 dans la formule actuelle, au moment de plier bagages. Bof.
Depuis Tahiti, Marama Vahirua, l’ex attaquant du FC Nantes, a assuré que cette réforme « ouvrait des portes et donnait de l’espoir » à son pays. A Zurich, Gianni Infantino a dû apprécier. Quelques heures plus tôt, il avait promis à la tribune, devant ses collègues du Conseil de la FIFA, que cette formule à 48 allait permettre « à plus de pays de rêver », martelant que le temps était venu de « dessiner la Coupe du Monde du 21ème siècle ». Avant d’asséner avec des manières de spécialiste de la géopolitique que « le football ne se limite pas à l’Europe et à l’Amérique latine. » Cool.
Personne n’est dupe: la décision de la FIFA se moque des rêves en grand qu’un Mondial à 48 équipes pourrait faire naître à Papeete ou Ouagadougou. Sa raison d’être est avant tout économique et politique.
L’argent, d’abord. Selon une étude révélée par l’AFP avant même le vote du Conseil de la FIFA, un Mondial XXL permettrait de générer environ 600 millions d’euros supplémentaires de recettes. Le dernier Mondial, organisé au Brésil en 2014, a gonflé les caisses de la FIFA d’un pactole de 4,5 milliards d’euros. Le football ne connaît pas la crise, mais il en veut toujours plus. Refrain connu.
La politique, maintenant. Après la Russie en 2018 et le Qatar en 2022, quel pays aura le privilège de recevoir la première Coupe du Monde nouvelle formule? Gianni Infantino a devancé les pronostics en se déclarant favorable à une co-organisation. En tête de cortège, parmi les possibles co-détenteurs du Mondial 2026, un ticket Etats-Unis/Canada qui pourrait devenir un trio avec l’ajout du Mexique. Sur le papier, l’idée est séduisante. Elle sonne très 21ème siècle. Le nom du ou des heureux élu(s) sera dévoilé en mai 2020.