Thomas Bach serait-il en train de devenir un expert du « teasing »? Mercredi 18 janvier, le président du CIO recevait Xi Jinping, le chef de l’Etat chinois. Entre deux poignées de mains et tous les sourires exigés par la circonstance, la première visite d’un président chinois au siège de l’organisation olympique à Lausanne, le dirigeant allemand a expliqué que les deux hommes avaient « discuté de la manière dont les liens déjà robustes entre le CIO et la Chine pouvaient être renforcés à l’avenir. »
L’avenir en question s’est révélé très immédiat. Dès le lendemain, les « liens » ont acquis une robustesse qui devrait pouvoir résister à tous les assauts. Thomas Bach a signé jeudi 19 janvier, au Forum économique mondial de Davos, un accord de partenariat avec Alibaba, le géant chinois de l’e-commerce. Pas n’importe quel accord, puisqu’il porte jusqu’en 2028 et ouvre à Alibaba la porte du TOP, le programme de marketing mondial du CIO.
Le montant du partenariat n’a pas été officiellement dévoilé. Classique. Mais les chiffres restent rarement secrets dans l’univers olympique. Les plus gros, surtout. Selon plusieurs sources « proches du dossier », Alibaba se serait engagé pour la somme de 800 millions de dollars. On comprend mieux, avec un tel contrat, que le CIO et son président n’aient pas hésité à qualifier la journée d’historique et à se comporter avec Jack Ma, le président d’Alibaba, comme s’il était un vieil ami de la famille.
Au-delà des chiffres, forcément astronomiques pour un groupe de commerce en ligne qui revendique 500 millions de clients et espère en quadrupler le nombre d’ici 2020, le partenariat se révèle très inédit. Au moins pour le CIO. Alibaba ne se contente pas d’enrichir encore plus nettement l’organisation olympique en échange du droit d’utiliser les anneaux et les images des Jeux. Le groupe chinois va accompagner le CIO pour l’aider dans son développement à trois niveaux:
- Meilleure infrastructure de cloud computing et meilleurs services cloud pour un fonctionnement plus efficace et plus sûr des Jeux olympiques, notamment en ce qui concerne l’analyse des données;
- Création d’une plateforme mondiale de commerce en ligne, pour vendre à l’échelle mondiale les produits dérivés des Jeux;
- Utilisation des technologies numériques de pointe d’Alibaba et de son savoir-faire pour développer et adapter la chaîne olympique auprès du public chinois.
Un partenaire, donc, un vrai. Tout le contraire d’un banal sponsor. Alibaba rentre dans le monde olympique par la grande porte. Il n’est pas interdit de penser qu’il en est sans doute déjà l’un des acteurs économiques majeurs, au même titre que le groupe audiovisuel américain NBCUniversal, loin devant certains membres historiques du TOP.
Thomas Bach n’en a pas fait mystère, au moment de commenter l’événement lors de la conférence de presse à Davos: « Dans cette nouvelle ère numérique, Alibaba occupe une position unique pour aider le CIO à atteindre divers objectifs clés établis dans son Agenda olympique 2020 tout en façonnant positivement l’avenir du Mouvement olympique. C’est une alliance inédite qui favorisera l’efficacité de l’organisation des Jeux Olympiques jusqu’en 2028 tout en accroissant les possibilités offertes au niveau mondial par le numérique, notamment en ce qui concerne la chaîne olympique. »
L’alliance entre les deux parties ne s’est pas faite en un jour. Les premières discussions entre le CIO et Alibaba remonteraient à une année en arrière. Le contrat désormais signé, le groupe chinois s’impose comme la première entreprise à conclure un partenariat à long terme avec le CIO, jusqu’aux Jeux d’été en 2028. Il porte sur les Jeux d’hiver de PyeongChang en 2018, ceux d’été à Tokyo en 2020, puis encore d’hiver à Pékin en 2022. Alibaba s’est également assuré une bonne place pour les Jeux de 2024, 2026 et 2028, pour lesquels les villes hôtes ne sont pas encore connues. Reste une question: quel sera l’influence de ce nouveau géant du marketing olympique?
Pour rappel, Alibaba rejoint au sein du TOP une élite de 12 partenaires olympiques, composée de Coca-Cola, Atos, Bridgestone, Dow, General Electric, McDonald’s, Omega, Panasonic, Procter & Gamble, Samsung, Toyota et Visa. Dans le détail, 6 marques américaines, 4 asiatique et 2 européennes. Avec l’entrée d’Alibaba, l’Asie se rapproche de l’Amérique.