Improbable escalade. A Tokyo, le parcours de golf des Jeux de 2020 ne doit plus seulement faire face à une critique, mais désormais à deux attaques frontales. La première en veut à sa politique sexiste. La seconde met en cause sa situation géographique et son éloignement de la capitale.
La première tient du feuilleton. Depuis le début de la semaine passée, le Kasumigaseki Country Club se retrouve au centre d’une polémique dont les organisateurs des Jeux de Tokyo 2020 se seraient volontiers passés. Il lui est reproché un règlement sexiste et discriminatoire. Présenté comme l’un des clubs de golf les plus exclusifs et fermés du pays, ce vestige du passé (il a été créé en 1929 par 300 très fortunés joueurs japonais) refuse aux femmes le droit d’être membres de plein droit. Une nuance qui leur interdit l’accès au parcours certains dimanches de l’année.
Montrés du doigt par la gouverneure de la capitale, Yuriko Koike, les dirigeants du Kasumigaseki Country Club se disent aujourd’hui prêts à changer leur règlement interne. Hiroshi Imaizumi, le manager général, a expliqué à l’agence Associated Press que son équipe préparait actuellement une explication de ses règles et de leur fondement, destinée au CIO à la Fédération internationale de golf (IGF).
Mais il a également précisé que son club ne prévoyait pas de modifier ses statuts dans l’immédiat, le CIO ne lui en ayant pas formulé la demande. En clair, pas question de changer un règlement presque séculaire, à moins d’en être contraint par la menace de perdre l’accueil du tournoi olympique en 2020. Or, à ce jour, ni le CIO ni l’IGF n’auraient formellement demandé au club de modifier sa politique.
Fin provisoire de l’histoire? Oui et non. Mardi 24 janvier, un autre pavé a été balancé dans la mare. Cette fois, les « frondeurs » s’en prennent à la situation géographique du club. Silencieux depuis le début de la polémique, le Conseil du golf au Japon (Japan Golf Council), une organisation privée destinée à développer et moderniser la pratique de la discipline sur l’ensemble du pays, vient de mêler sa voix au débat. Ses représentants font pression sur le comité d’organisation des Jeux de 2020 pour qu’ils retirent l’accueil du tournoi au Kasumigaseki Country Club.
Eiko Oya, la présidente du JGC, explique: « Nous espérons que les organisateurs des Jeux trouveront un autre parcours, où les spectateurs et les joueurs n’auront pas à souffrir ». En cause, l’éloignement du Kasumigaseki Country Club, situé à 44 km du village des athlètes, dans la préfecture de Saitama. « La question de l’exclusion des femmes vient en second, poursuit Eiko Oya. Nous sommes surtout préoccupés par les temps de transport et par l’héritage des Jeux sur le golf au Japon. »
A en croire les représentants du JGC, organiser le tournoi olympique dans le club le plus fermé du pays n’aurait pas seulement l’inconvénient d’obliger tout le monde à parcourir près de 50 km depuis le centre de la ville. En prime, les Jeux n’auraient aucun impact sur la pratique de la discipline et sa démocratisation. Il en coûte en effet la somme rondelette de 8 millions de yens, soit 65.000 euros, pour obtenir une carte de membre au Kasumigaseki Country Club. A cette adhésion, il convient ensuite de rajouter 4 millions de yens (32.500 euros) pour gagner le privilège d’être membre de plein droit. Avec une telle politique tarifaire, il est difficile d’imaginer que l’accueil du tournoi olympique en 2020 donne subitement envie à la jeunesse japonaise de frapper à la porte du club-house pour s’essayer au drive.
A la place, l’équipe du Japan Golf Council propose de délocaliser le futur site olympique sur le parcours des Wakasu Golf Links, un terrain public situé à proximité de la baie de Tokyo. Construit sur une ancienne décharge, il avait été suggéré comme parcours des Jeux au moment où Tokyo préparait son dossier de candidature. « Un tel choix irait dans le sens de la volonté du CIO, en laissant un héritage durable une fois les Jeux terminés », plaide le JGC. Pas faux.