Brian Cookson veut rempiler. Le dirigeant anglais, élu à la présidence de l’Union cycliste internationale en septembre 2013, où il a succédé à l’Irlandais Pat McQuaid, a devancé une éventuelle concurrence en déclarant très tôt son intention de solliciter un deuxième mandat.
A cinq mois de l’élection, prévue le 21 septembre à Bergen, en Norvège, il a détaillé pour FrancsJeux ses motivations, son bilan, sa vision pour l’avenir du cyclisme. Et sa perception de la bataille entre Paris et Los Angeles pour les Jeux de 2024.
FrancsJeux: Pourquoi sollicitez-vous un deuxième mandat à la présidence de l’UCI?
Brian Cookson: Beaucoup de choses ont été accomplies au cours de mon premier mandat. Si vous regardez quatre ans en arrière, l’UCI était confrontée à une situation assez catastrophique, le cyclisme ayant perdu son image et sa réputation. Nous avons beaucoup fait pour relever la barre, pour développer le cyclisme féminin, pour mieux implanter nos disciplines en Afrique et en Asie, mais le travail n’est pas terminé, loin de là. L’équilibre du cyclisme sur route professionnel, le World Tour surtout, reste à stabiliser. Je suis fier et satisfait des progrès réalisés au cours de mon premier mandat, mais il faut continuer sur cette voie.
Le cyclisme est en meilleure forme que lors de votre arrivée à la présidence de l’UCI?
Je crois, oui. La réputation du cyclisme a été restaurée. Les chiffres le démontrent. Nous comptons aujourd’hui plus de spectateurs, d’équipes, de pays et d’événements que quatre années en arrière. La couverture télévisée a également augmenté. L’Allemagne, par exemple, où les chaînes avaient déserté notre sport, est revenue. Le World Tour féminin est un succès incontestable.
Au cours de ces quatre premières années à la tête de l’UCI, où avez-vous le sentiment d’avoir échoué?
Les doutes continuent à exister sur les performances, notamment dans les rangs professionnels. Ils portent même désormais sur la fraude technologique. La suspicion persiste. Nous avons réalisé des progrès importants dans notre processus de lutte antidopage, en rendant notre système indépendant de l’UCI, ce qui empêche les conflits d’intérêt. Pour moi, l’UCI n’a pas échoué. Mais la tâche est extrêmement difficile, surtout dans l’écosystème très particulier du cyclisme mondial.
Quel est votre thème de campagne pour ce second mandat?
Le cyclisme ne peut plus se permettre de vivre dans un état de tensions et de conflits, comme il a connu au cours des dernières années. Nous avons construit des fondations solides. Il nous faut maintenant élever un édifice stable.
Vous n’avez jamais caché votre ambition de gagner une plus grande place pour le cyclisme aux Jeux olympiques. Où en êtes-vous aujourd’hui sur cette question?
Nous en sommes aux négociations finales avec le CIO. Tout est en train de se jouer. Toutes les fédérations internationales en veulent plus aujourd’hui, mais je suis presque certain que nous ne perdrons pas d’épreuves aux Jeux de Tokyo 2020. Mais nous aussi en voulons plus. En cyclisme sur piste, notamment, où nous espérons deux épreuves supplémentaires, en Madison, une discipline qui pourrait faire son retour chez les hommes et ses débuts pour les femmes. Nous espérons également l’entrée dans le programme du BMX freestyle. Nous avons aujourd’hui 18 épreuves à médailles aux Jeux, nous en espérons 4 en plus: 2 sur la piste, 2 en BMX. Nous sommes réalistes mais optimistes pour Tokyo 2020. Nous n’aurons peut-être pas tout ce que nous aimerions, mais la place du cyclisme sera sans doute plus importante.
David Lappartient, le président français de l’Union européenne de cyclisme, a confié dernièrement à FrancsJeux que vous n’assuriez pas à ses yeux un leadership assez fort. Il estime que le pouvoir est trop souvent entre les mains de l’administration de l’UCI. Que répondez-vous à cette critique?
Je crois qu’il existe un malentendu entre le rôle de la gouvernance et celui du management. La première a besoin d’un président fort et la seconde d’un directeur exécutif tout aussi fort. Les deux composantes doivent fonctionner ensemble, chacune ayant ses propres tâches à accomplir. La mienne consiste à incarner l’UCI, à promouvoir le cyclisme à travers le monde, à négocier avec toutes les parties prenantes du mouvement sportif. Le leadership est assuré. Et je peux compter pour toute la partie opérationnelle, notamment les événements, d’une équipe très forte à l’UCI.
Lors de la dernière Convention SportAccord, en début de mois à Aarhus, vous avez questionné le maire de Los Angeles, Eric Garcetti, sur la place du cyclisme dans sa ville et dans la vision de L.A pour les Jeux de 2024. Sur cette unité de mesure, comment comparez-vous Los Angeles et Paris?
Le cyclisme est un cas particulier, peut-être même un cas unique: tout à la fois un sport d’élite et de masse, un passe-temps et un loisir, un moyen de transport, un sport-santé, un outil pour réduire la pollution et décongestionner le trafic routier. On ne peut pas aller au boulot à la nage, mais on peut le faire en vélo. Aujourd’hui, les villes sont très intéressées par la possibilité d’utiliser le cyclisme et son développement pour justifier leur investissement dans le sport d’élite et l’organisation de grands événements, y compris les Jeux olympiques. Los Angeles est mondialement connue pour être construite autour d’une logique de déplacements motorisés. Ma question à Eric Garcetti était claire: que pouvez-vous faire pour développer le vélo et améliorer grâce à lui la qualité de vie.
Pour l’UCI, est-il plus intéressant d’avoir les Jeux dans un ville et un pays où le cyclisme est déjà développé, comme la France, ou au contraire dans un marché où tout reste à faire?
Dans une ville ou un pays où le vélo occupe une faible part, nous sommes dans l’attente de voir ce qu’une candidature propose pour développer l’activité cyclisme et sa pratique.
La réponse du maire de Los Angeles vous a-t-elle satisfait?
J’ai été heureux d’entendre que la ville mettait en place un plan d’investissement pour améliorer la qualité de la vie via la pratique du vélo. Le résultat n’est jamais dû au hasard. Il faut investir dans la construction de pistes, de places de parking pour les vélos, de lieux de pratiques sûrs et bien équipés.