Il en faut souvent beaucoup pour impressionner un membre du CIO. Les « cardinaux » du mouvement olympique ont l’habitude des honneurs. Ils savent marcher sur un tapis rouge sans se prendre les pieds dans les plis. Mais Patrick Baumann, le président de la commission d’évaluation des Jeux de 2024, n’a pas pu masquer une pointe d’émotion, mardi 16 mai, au moment de raconter son début de matinée. « Nous avons été très honorés », a glissé le Suisse d’une voix posée, s’exprimant en son nom et en celui de ses 11 collègues. Honorés, rien de moins.
Au troisième et dernier jour de leur visite de la capitale française, les envoyés du CIO ont pris dès le saut du lit, habillés comme pour une cérémonie, la direction de l’Elysée. A 8 h 30, ils y ont été accueillis par Emmanuel Macron. Dans la salle, les 12 membres de la commission d’évaluation, plus 7 personnes de l’équipe de candidature. Un petit-déjeuner présidentiel glissé par le nouveau chef de l’Etat dans un agenda pourtant sans temps mort. « Il les a reçus entre son voyage à Berlin et l’annonce du nouveau gouvernement, confie l’un des leaders Paris 2024. Ils y ont été très sensibles. »
A l’Elysée, Emmanuel Macron a joué à fond son rôle de « nouvel atout » de la candidature. Le président avait choisi une cravate frappée du logo de Paris 2024. Il a débuté l’exercice par un discours, en français et anglais. Puis il s’est adressé individuellement, avec des mots choisis et une attention soignée, à chacun des membres de la commission. Trois tables avaient été dressées pour le petit-déjeuner. Le président est allé de l’une à l’autre. Avec le Néo-Zélandais Duane Kale, l’un des experts de la commission, membre associé du Comité paralympique international, il a parlé rugby, avoué son admiration pour les All Blacks, évoqué la situation économique en Nouvelle-Zélande.
Tony Estanguet martèle: « Il a tenu à les recevoir dès son arrivée à l’Elysée. Un acte fort. » Patrick Baumann a apprécié. « Nous n’avons aucun doute sur le soutien extrêmement fort des autorités publiques, depuis la Ville de Paris jusqu’au plus haut sommet de l’Etat », explique le Suisse.
Emmanuel Macron s’engage. Mieux: il a promis de se déplacer. Le chef de l’Etat se rendra à Lausanne, les 11 et 12 juillet, pour la prochaine session du CIO. L’équipe de Paris 2024 doit y présenter une troisième fois, et avant-dernière, son projet et sa vision. Il sera du voyage et prendra à coup sûr la parole, au moment de la présentation. Rien n’est encore acquis, en revanche, quant à sa présence à Lima, le 13 septembre, pour la session du CIO où doit être choisie la ville hôte des Jeux. « Une étape après l’autre, insiste Tony Estanguet. Notre prochain objectif est Lausanne. Pour Lima, rien n’est encore formalisé. »
Décisif, l’atout Macron? Peut-être. « Sa présence montre visuellement et de façon tangible le soutien du pays à la candidature », suggère Patrick Baumann. « Pour lui, notre candidature est une priorité nationale, insiste Tony Estanguet. Il veut nous accompagner. Mais il saura rester à sa place. »
Pas question, en effet, de perdre la maîtrise du discours et la force du message. Depuis le premier jour, Paris 2024 met les athlètes en avant. La candidature a enfoncé le clou ces trois derniers jours, présentant à la commission d’évaluation, au gré des visites des sites, une respectable galerie de 65 champions, pesant dans leur totalité une centaine de médailles olympiques ou paralympiques. « La carte Macron doit être utilisée, c’est certain, mais sans dévier de notre ligne de conduite », confie un cadre de la candidature.
A moins de trois mois du vote, Paris 2024 sourit de ses belles dents. « Tout va bien, nous sommes ravis, assure Tony Estanguet. Nous avons partagé notre passion avec la commission d’évaluation. C’est cette passion qui va nous faire gagner. » Les Parisiens ne craignent pas de prononcer le mot victoire. Un autre effet Macron? Emmanuel Assmann, la présidente du comité paralympique français, raconte: « Au petit-déjeuner, ce matin, il a dit aux membres de la commission d’évaluation qu’il était toujours d’accord pour participer, mais qu’il préférait gagner. »