Candidatures

A Lausanne, les Jeux pourraient être déjà faits

— Publié le 17 mai 2017

Rideau sur la visite de la commission d’évaluation du CIO pour les Jeux de 2024. Ses 12 membres et leur escorte d’experts ont repris la route du bercail. Patrick Baumann et ses collègues ont quitté Paris dans l’après-midi du mardi 16 mai, sous le soleil, la mine enjouée et les idées claires. Ils doivent se revoir avant la fin du mois de mai pour confronter leurs impressions. La publication de leur rapport est attendue pour le 5 juillet.

Quel en sera le ton ? Facile. Patrick Baumann l’a confié à Los Angeles, la semaine passée, avant de le répéter pendant son séjour parisien : « Au CIO, nous sommes aujourd’hui dans une situation extraordinaire, avec deux villes incroyables qui respirent l’esprit olympique. Il ne fait pas le moindre doute que Los Angeles et Paris pourraient organiser des Jeux magnifiques. Ces deux dossiers ne présentent pas le moindre risque. »

Le Suisse l’a souvent relevé : la métropole californienne et la capitale française proposent deux visions des Jeux très différentes. Los Angeles parle nouvelle technologie, « interaction » avec la nouvelle génération, perspective de profits. Paris s’appuie sur l’héritage, la durabilité et l’expérience des athlètes. Patrick Baumann et ses collègues l’ont compris sans avoir besoin de lire entre les lignes des dossiers. « A Los Angeles, nous sentons des opportunités commerciales, analyse-t-il. A Paris, elles seront plus sociales. »

Entre les deux, vers où penchera la balance ? Sauf improbable scénario, elle restera à l’équilibre. Le CIO attendra le mois de juillet pour l’officialiser, mais sa décision fait peu de doute. Il choisira de ne pas choisir. Il attribuera d’un coup, le 13 septembre à Lima, les Jeux de 2024 et ceux de 2028. Patrick Baumann s’en défend. « Nous sommes venus à Los Angeles et Paris pour évaluer les dossiers pour 2024, martèle-t-il. Le reste n’est pas de notre ressort. »

Admettons. Mais, dans le même temps, les quatre vice-présidents du CIO planchent sur la façon d’habiller un double vote qui ferait deux vrais vainqueurs, sans laisser émerger l’ombre d’un battu. Pas simple. Mais faisons confiance à l’organisation olympique pour résoudre l’équation. Preuve de la tendance vers cette double attribution : John Coates, Juan Antonio Samaranch Jr., Yu Zaiqing et Ugur Erdener ne cachent plus vraiment leur soutien à cette idée. Quelques mois plus tôt, seul le Japonais s’y déclarait favorable.

En attribuant deux éditions olympiques d’un coup, en une poignée d’heures, le CIO contenterait tout le monde. A commencer par lui-même. Il s’offrirait un répit de 4 ans, pour réformer son processus de sélection des villes olympiques. Il s’éviterait le risque de voir la France ou les Etats-Unis lui tourner le dos pour un bail en cas de défaite. Il s’assurerait deux Jeux d’été consécutifs où, sauf catastrophe, les budgets seraient maîtrisés, tous les sites terminés dans les temps et la gouvernance solide sur ses jambes. En clair, il se referait une santé et une image, en déployant le décor olympique dans deux des villes les plus prestigieuses de la planète. Bingo.

Reste une question. LA question : dans quel ordre ? Qui gagnera 2024, qui héritera de 2028 ? A un peu moins de 3 mois du vote, Paris semble tenir la corde pour la première des deux dates. L’équipe parisienne ne veut pas bouger d’un pouce. Elle assure, preuve à l’appui, que les terrains du futur village des athlètes, à Saint-Denis, ne seraient pas disponibles pour des Jeux en 2028. Elle avance que les garanties d’engagement de l’état dans le financement ne pourraient pas être sécurisées à si long terme.

A Los Angeles, Eric Garcetti répète lui aussi que sa ville est en compétition pour les Jeux de 2024 et seulement les Jeux de 2024. « Je serais ravi d’aller rendre visite à mes amis parisiens en 2028 », lâche-t-il dans un sourire. Mais le maire démocrate de la métropole californienne se montre un peu plus souple sur la perspective d’attendre un peu plus longtemps avant d’allumer la flamme. « Au-delà de notre candidature, nous sommes avant tout concernés par l’avenir du mouvement olympique », suggère-t-il.

Il reste maintenant quelques semaines au CIO pour convaincre Los Angeles de « gagner » plutôt les Jeux en 2028. Une démarche qui pourrait s’appuyer sur un argumentaire très économique. Pour les Jeux en 2024, le CIO s’est engagé à signer à la ville hôte un chèque de 1,5 milliards de dollars, au titre de la redistribution des droits marketing et de télévision. Pour l’édition 2028, le montant pourrait être nettement supérieur. Il pourrait atteindre les 2 milliards.

Une chose est sûre : la prochaine étape de la campagne, la séance plénière du CIO les 11 et 12 juillet à Lausanne, sera décisive. Elle pourrait déjà régler l’affaire. La session du CIO, en septembre à Lima, servirait alors seulement à entériner un choix écrit à l’avance. La présence annoncée d’Emmanuel Macron devant les membres du CIO, en juillet à Lausanne, sonne comme une confirmation de cette nouvelle donne.