Après les mots et les chiffres, l’analyse. Au lendemain de la publication du rapport de la commission d’évaluation du CIO pour les Jeux de 2024, mercredi 5 juillet, une évidence s’impose: Thomas Bach a eu le nez fin en poussant depuis l’an passé avec force et sens politique pour un double vote 2024-2028 lors de la session de Lima en septembre prochain. Le document préparé sous la conduite de Patrick Baumann le dit et le répète sans craindre les superlatifs: Los Angeles et Paris peuvent organiser des Jeux « extraordinaires » et « proposer le meilleur » au mouvement olympique. Une bonne chose, puisqu’il est désormais quasiment acquis que les deux villes décrocheront le pompon.
Le rapport juge le projet de Los Angeles « innovant » et « cool ». Il qualifie la proposition de Paris d’historique et son cadre de tout simplement « époustouflant ». L’organisation olympique peut dormir le sourire aux lèvres. En choisissant de ne pas choisir, elle s’offre huit années de béatitude. Très fort.
Il n’empêche, un élément du rapport révèle un écart entre les deux candidatures. Une donnée qui devrait alimenter les conversations lors de la session extraordinaire du CIO, la semaine prochaine à Lausanne. En termes de soutien populaire, Los Angeles mène la course. Fidèle à son habitude, le CIO a mené sa propre enquête d’opinion dans les deux villes en lice, au mois de février dernier, au début de la troisième et dernière phase du processus de candidature. Le sondage a été réalisé en ligne, auprès de 1.800 internautes. La méthode était identique, avec dans les deux cas un sondage local, régional et national, mais les résultats diffèrent.
A Los Angeles, l’enquête du CIO révèle un taux de soutien de 78%. Une année plus tôt, un sondage privé réalisé par l’université de Loyola Marymount avait affiché un résultat de 88%. L’étude du CIO pointe également un taux d’opposition au projet olympique et paralympique exceptionnellement bas, seulement 8%.
A Paris, le rapport dévoile un taux de soutien de 63% parmi la population de la capitale (le taux est identique sur l’ensemble de la France). Un écart de 15 points, donc, avec la métropole californienne. La différence est plus grande encore parmi les opposants aux Jeux. Selon le sondage du CIO, leur pourcentage atteint 23% à Paris, soit quasiment un habitant sur quatre.
Décisif? Sûrement pas. Le soutien populaire n’a jamais fait la différence, ses résultats composent seulement un chapitre d’un rapport d’évaluation lui-même parfois seulement accessoire. Mais l’écart entre les deux candidatures pose question. Les Californiens veulent-ils plus les Jeux que les Parisiens? Los Angeles 2024 a-t-elle mieux réussi que Paris 2024 sa campagne de mobilisation? La réponse tient en trois mots: contexte, projet et timing.
Le contexte, d’abord. Les exemples de Rome, Budapest et Hambourg l’ont démontré sans ambiguïté: l’Europe boude actuellement les Jeux. Ses populations les jugent trop coûteux, peu en phase avec la crise du moment. Ils en apprécient encore le spectacle, mais le préfèrent hors de leurs frontières. Avec une telle tendance, le taux de soutien révélé par l’étude du CIO pour la candidature de Paris s’avère très respectable.
Le projet, ensuite. A Paris, le budget des Jeux serait public et privé. Il en est ainsi de tous les événements aux dimensions continentales ou planétaires. Par tradition, le public français se méfie comme la peste de tout projet présentant un risque, même minime, pour sa feuille d’impôt. A Los Angeles, le financement serait privé, à l’exception des dépenses liées à la sécurité. Une approche plus américaine et nettement plus populaire.
Le timing, enfin. L’enquête d’opinion a été réalisée au mois de février, une période où l’actualité était dominée en France par la campagne présidentielle. Depuis, l’effet Macron a réveillé pour un temps l’opinion. Depuis, également, Paris a déployé les grands moyens pour faire souffler le vent des Jeux à l’occasion des journées olympiques, les 23 et 24 juin. Suffisant pour combler l’écart avec Los Angeles? Peut-être. Pas sûr.