Paris a eu les Jeux olympiques. Cocorico. Los Angeles les a décrochés également. God bless America. Thomas Bach peut se frotter les mains. Persuadé de la pertinence d’un double vote 2024-2028, le dirigeant allemand a imposé sa formule, déjà éculée à force d’avoir été prononcée dans toutes les langues, d’un scénario « gagnant-gagnant-gagnant. » Une performance politique. Une merveille de stratégie.
Pour les deux villes, la victoire est incontestable. Paris et Los Angeles rejoindront Londres dans le cercle étroit des métropoles ayant accueilli à trois reprises les Jeux olympiques d’été. Elles entrent dans l’histoire.
La capitale française a remporté la seule course dans laquelle elle était engagée. Sa campagne a été un modèle du genre. A l’arrivée, son succès fait les affaires de tout le monde, Anne Hidalgo et Emmanuel Macron en tête. Il reste au futur comité d’organisation, présidé par Tony Estanguet et dirigé par Etienne Thobois, à tenir son budget jusqu’au bout. Jamais gagné d’avance mais certainement jouable. Avec sept ans devant lui, le mouvement sportif français peut envisager avec réalisme de gagner quelques places dans la hiérarchie mondiale et atteindre en 2024, qui sait, le top 3 des nations au classement des médailles.
Pour Los Angeles, l’attribution des Jeux en 2028 sonne aussi comme une excellente affaire. La rallonge accordée par le CIO, dont la contribution s’élèvera à 1,8 milliard de dollars, ne constitue pas la seule « compensation » obtenue par l’équipe de candidature. En échange de leur patience, les Californiens ont fait accepter par l’organisation olympique le principe d’un programme de marketing national d’une durée historiquement longue, où ils pourront vendre les droits des Jeux dans toutes les catégories non couvertes par le programme TOP du CIO. En prime, Thomas Bach leur a promis un fonds de 160 millions de dollars pour soutenir le développement du sport auprès des jeunes de Californie du Sud. Il a également été acquis que le CIO versera 180 millions de dollars au futur comité d’organisation des Jeux de 2028 aussitôt qu’il sera constitué. Une avance sur sa contribution justifiée par un exercice de 11 années au lieu de 7. Enfin, le CIO a accepté de renoncer à sa part habituelle de 20% des profits réalisés aux Jeux. Un beau geste.
Deux gagnants, donc, sans l’ombre d’un doute. Mais qu’en est-il du troisième? En choisissant de ne pas choisir, le CIO s’est-il offert un vrai succès, ou un simple sursis? Dans le mouvement olympique, ils sont nombreux à pencher pour la deuxième option. « Une victoire de Budapest aurait pu changer la donne, en ouvrant la porte aux villes de taille moyenne, suggère un ancien leader de la candidature hongroise. Mais il n’est pas certain que les Jeux à Paris et Los Angeles règlent le problème. »
Interrogé par l’agence Reuters, l’économiste Patrick Nally analyse: « Les Jeux doivent évoluer, et en ce sens Los Angeles va résoudre le problème. Mais il n’existe pas beaucoup d’autres LA dans le monde. Le CIO ne pourra pas compter sur un autre Los Angeles, dans huit ans, pour se lancer dans pareille aventure. »
Même scepticisme de la part de Dick Pound, un historique du CIO. Visiblement peu convaincu par l’intérêt d’un double vote, le Canadien pointe du doigt les risques d’attribuer les Jeux aussi longtemps à l’avance. « Dans l’état actuel du monde, il est difficile de prévoir plus de 7 ans à l’avance la façon dont un pays et son économie vont évoluer. En 11 ans, tout peut arriver, à commencer par une sévère récession. »
Pour Dick Pound, le CIO ne peut plus se permettre d’attendre tranquillement, dans son château de Lausanne, que les villes sonnent à sa porte avec sous le bras un dossier de candidature. « Il va peut-être nous falloir faire un pas en arrière et revoir notre processus de sélection des villes », suggère-t-il.
En juillet dernier, le CIO a promis une révision des règles de la course pour les Jeux d’hiver en 2026. Une campagne plus courte, un processus moins coûteux. Nobles principes. Mais les détails restent flous. A Calgary, le conseil municipal vient de mettre son projet de candidature en attente, faute d’en connaître assez long sur la nouvelle donne.
Avec son double vote, le CIO s’est accordé un répit. Mais le temps presse.