Le score laisse perplexe. 37 – 8. Plus de 80% des voix. Opposé au Britannique Brian Cookson, le sortant, David Lappartient a fait main basse sur la présidence de l’Union cycliste internationale, jeudi 21 septembre à Bergen, en Norvège, sans même avoir besoin de lancer le sprint. Le Français l’a résumé après le décompte des voix: « Avoir 37 voix sur les 45 délégués votant est un résultat très clair, pas une photo-finish ». La victoire d’un échappé, parti au bon moment, jamais rejoint. Limpide. Bluffant.
A Bergen, les rumeurs allaient bon train pour annoncer un scrutin serré et une course indécise. A Lima, une semaine plus tôt, Brian Cookson avait assuré à FrancsJeux pouvoir compter sur une trentaine de voix. David Lappartient, plus prudent, se gardait bien d’avancer un chiffre, mais il affichait lui aussi sa confiance. A l’arrivée, la décision s’est jouée sur un KO.
A 66 ans, Brian Cookson entre cruellement dans l’histoire de l’UCI comme le premier président cantonné à un seul mandat. Le Britannique présentait pourtant un bilan très respectable. Ses quatre années à la tête du cyclisme ont remis la discipline sur des rails plus rectilignes. Il a respecté avec sérieux et application les grandes lignes de son programme de candidat, développant le cyclisme féminin, contribuant à l’universalisation du sport, renforçant sa présence aux Jeux olympiques. Mais il a été balayé comme la poussière par la tempête Lappartient. Explications.
Une campagne finement conduite. David Lappartient est parti longtemps après son rival britannique. Il a attendu le dernier moment pour annoncer sa candidature, laissant croire qu’il patienterait jusqu’à la prochaine élection, prévue en 2021. Selon les informations de Libération, il hésitait entre sport et politique, espérant un poste de ministre des Sports dans l’hypothèse où Nicolas Sarkozy retrouve sa place à l’Elysée.
Mais, une fois lancé, le Français a mené sa barque avec une grande habileté, aidé par sa directrice de campagne, Marjorie Guillaume. Il s’est attaché à brocarder Brian Cookson par petites touches, sans tomber dans une agressivité déplacée, l’attaquant sur le dopage technologique et sur la nécessaire réforme du cyclisme professionnel, deux sujets sur lesquels le Français estime son rival trop timoré, voire attentiste.
Surtout, David Lappartient a promis de replacer les élus, à commencer par lui-même, en tête de cortège. Il a martelé sans lassitude son reproche d’une UCI abandonnée par Brian Cookson à son administration, en partie britannique. Dans son viseur, deux avocats de la banque Rothschild, Justin Abbott et Martin Gibbs, recrutés par Cookson, présentés par Lappartient comme les deux véritables décideurs au sein de l’organisation.
A peine élu, jeudi 21 septembre, David Lappartient a insisté : « Les électeurs ont eu le sentiment d’avoir élu un président voici quatre ans et que ce n’était pas lui qui dirigeait l’UCI, quelle que soient ses qualités et sa passion pour le vélo. Il y a eu un message très fort: on veut un président qui soit un patron, qui nous écoute, qui soit à notre service. Que l’UCI soit tournée vers ceux qui en sont les membres, les fédérations nationales. »
Un vent de renouveau. Brian Cookson avoue 66 ans. David Lappartient en a seulement 44. Le premier a eu du mal, malgré ses promesses, à incarner l’avenir. Le second a profité à fond de l’urgence du mouvement sportif international de revoir sa gouvernance, retrouver du crédit et balayer le passé. A un moment où les affaires de corruption ne quittent plus l’ombre du CIO, de l’IAAF et de la FIFA, pour ne citer que les plus en vue, il n’est pas inintéressant pour l’UCI de manifester au grand jour sa capacité à jouer la carte de la jeunesse. Certes, l’intégrité de Brian Cookson n’a jamais été mise en doute, mais la carte David Lappartient peut se révéler un meilleur choix pour une institution en recherche de crédibilité.
A-t-il bénéficié de l’effet Paris 2024? L’intéressé l’a suggéré dès son élection: « La France a obtenu les JO, Jean-Christophe Rolland vient d’entrer au Comité international olympique, je prends la présidence de l’UCI. C’est aussi le symbole de la France qui gagne et c’est cette France qu’on veut voir. » Peut-être. Pas sûr. Rappelons que la semaine passée, à Lima, Paris a décroché les Jeux de 2024 au terme d’une double attribution n’ayant fait aucun perdant, et que Jean-Christophe a été élu par les membres du CIO à l’occasion d’une session où tous les nouveaux noms proposés ont été acceptés.
Il n’empêche, la victoire de David Lappartient inverse la spirale d’un mouvement sportif français marqué par les échecs successifs de ses trois derniers dirigeants candidats à la présidence d’une fédération internationale olympique: Pierre Durand à l’équitation, Georges Guelzec à la gymnastique, Didier Gailhaguet au patinage.