Les Américains auraient-ils oublié l’existence de la Charte olympique? A moins qu’ils en ignorent le contenu. Scott Blackmun, le directeur exécutif du comité olympique américain (USOC), a surpris son monde, lundi 25 septembre à Park City, dans l’Utah.
S’exprimant devant la presse à l’occasion du « Media Summit » pour les Jeux de PyeongChang 2018, il a assuré que l’USOC soutiendrait tout athlète de l’équipe des Etats-Unis qui souhaiterait profiter des prochains JO d’hiver pour exprimer publiquement son opinion, y compris politique.
Dans son article 50, la Charte olympique est claire: « Il n’est autorisé aucune démonstration de propagande politique, religieuse ou raciale sur un site olympique. » Impossible, donc, aux skieurs, patineurs ou hockeyeurs US d’imiter leurs collègues de la NFL en mettant un genou à terre au moment de l’hymne national.
Et pourtant, Scott Blackmun l’a confié sans langue de bois: les candidats à un coup d’éclat anti-Trump auront le feu vert de leur comité national olympique. « Les athlètes que vous voyez protester le font car ils aiment leur pays, et non pour le contraire, a-t-il expliqué lundi à Park City. Aussi, nous soutenons pleinement l’idée que nos athlètes, ou n’importe qui d’autre, puissent exprimer leurs opinions. »
La Charte olympique? Scott Blackmun la connaît. Mais il connaît aussi l’histoire olympique. « Aux Jeux, les choses ne peuvent pas se passer comme ailleurs, reconnaît-il. Mais le signe de protestation de Tommie Smith et John Carlos sur le podium des Jeux de Mexico en 1968 a été un événement majeur, non seulement du mouvement olympique, mais aussi pour l’équipe américaine. Nous les avons d’ailleurs invités l’an passé, tous les deux, à se joindre à nous lors de la réception à la Maison Banche après les Jeux de Rio 2016. »
Au cours du dernier weekend, les joueurs de NFL ont été une centaine à manifester leur dégoût des prises de position de Donald Trump en mettant un genou à terre pendant l’hymne national. Combien seront-ils aux Jeux de PyeongChang? Julia Mancuso, l’une des figures de l’équipe de ski alpin, prévient: « Dans les sports professionnels, les joueurs ont un match par semaine. Chez nous, le contexte est différent. J’ai toujours considéré les Jeux comme un moment à part, quelque chose de très spécial. » En clair, pas question de courir le risque d’une sanction du CIO en bafouant les principes de la Charte.
Elena Meyers, la double médaillée olympique en bobsleigh, nuance elle aussi le contexte: « J’ai beaucoup de respect pour ce que les joueurs de NFL ont fait. Il est important de pouvoir s’exprimer. Mais aux Jeux, le seul moment où vous entendez votre hymne national est lorsque vous montez sur la plus haute marche du podium. Il est difficile d’anticiper à l’avance la décision à prendre à cet instant précis. »
A un peu plus de 4 mois des Jeux, les athlètes américains se montrent plutôt prudents à l’idée de choisir le podium olympique comme une tribune anti Donald Trump, soutien de l’USOC ou pas. Mais l’idée est dans l’air. La skieuse Laurenne Ross explique: « Je ne serais pas surprise si l’un d’entre nous décide de mettre un genou à terre en recevant sa médaille. Une partie de moi-même serait fière de le voir agir ainsi, même si dans le même temps je serai triste de voir notre pays ainsi divisé. »
Questionné sur les chances de le voir mettre un genou à terre en cas de podium aux prochains Jeux, le skieur acrobatique Gus Kenworthy répond: « Me connaissant, il est probable que oui. Mais je n’aime pas préparer ce genre de choses. »
Aux derniers Jeux d’hier, à Sotchi en 2014, les Etats-Unis ont remporté 28 médailles. En février prochain, leurs athlètes ne manqueront pas d’occasions d’exprimer leur opinion sur l’actuel locataire de la Maison Blanche.